Tarmac

Bon, y'a plus qu'à espérer que la Généralissime arrive en forme, avec le sourire, et pleine d'empathie. Nan j'déconne. Elle va tirer la gueule, nous engueuler, nous prendre pour ses larbins, et nous envoyer en mission, comme d'hab. Faut pas qu'elle oublie que le frangin bosse comme un dingue pour elle, et que sans nous, elle sert que dalle de chez que dalle, la russkof. Bon, surtout, va falloir gérer les deux nouveaux, face à elle. Probable que le moineau fasse dans son slibard, et que la gamine pète un câble. Jude m'a prévenu, ils sont imprévisibles. Seul problème, c'est que la Patronne n'aime pas les imprévus et les casse-couilles. Sa gâchette est facile, et sa précision légendaire. Moi j'dis, va y'avoir du spooooort !


Le groupe est passé par des couloirs noirs, une cour intérieure où des camions de cirque renversés étaient occupés par des gens qui les saluaient avec respect et chaleur. Un grand bâtiment blanc et circulaire devant eux se dressait, imposant. A l'entrée, deux gardes armés de fusils de chasse les ont fouillés attentivement avant de les laisser rentrer. L'intérieur est bien aménagé, entre coin enfant, infirmerie, armurerie, cuisines, un grand espace dortoir qui servait auparavant de piste de spectacle. Dans les sous-sols, les bureaux, bibliothèques et centre stratégique. Des hommes et des femmes passant avec gilets pare-balles, flingues divers, air sérieux et résolu. On saluait le groupe des Deckers avec beaucoup de sourires entendus, gratifiants, certains s'inclinèrent même. Devant une porte, arrêt complet, et Naomi regarda les autres d'un air soucieux.


- Pas de coups fourrés, pas de scandale, pas de provocation. On va négocier votre futur.


J'te jure, j'ai l'impression de me retrouver à l'école devant le bureau du dirlo...Bon, toquons. Courage ma vieille.



[Il est possible pour Lobsang de revoir fugacement Dan, Dumollard ou Léon]

Emiline était étrange ces dernières minutes. Comme si quelque chose venait de changer dans ses yeux, elle semblait presque être sur le point de devenir totalement folle. Le nouveau décor était curieux à voir, belle organisation, un certain bien-être, du moins quelques beaux sourires. Lobsang avait aperçu Léon dans un coin, en traversant la salle, mais pas "Jack" et Dan, il s'était surtout concentré sur l'expression assez étrange qu'affichait Emiline. Décidément quelque-chose ne tournait pas rond.

Lorsque Naomi (qui avait bel et bien embrassé Lobsang, il en était bien certain à présent) les regarda d'un air plutôt sévère et leur recommanda de ne pas faire de scandale, Lobsang y vit comme une approbation du fait qu'Emiline semblait réellement bizarre. Alors en attendant que la porte du cirque s'ouvre sur le clou du spectacle, Lobsang s'approcha d'Emiline. Et à voix basse, il demanda soucieux :  

- Tu... t'es sûre que tu vas bien ?

Le moine s’inquiète, il a raison. Il faut qu'il sache sinon il risque de se faire tuer par la bande de cinglés, si ils se mettent en tête qu'il a apporté une bombe à retardement dans leur QG sur l'ordre de quelqu'un d'autre ça va mal tourner.

- il faut que tu sache, des fois je craque. Je tue plutôt brutalement tous ceux qui me menace. Je suis un genre de Hulk qui ne se calme qu'après environ 5 heures. Faut qu'tu fasse gaffe, surtout ne m'approche pas. Je ne sais pas comment ça marche c'te connerie alors reste à l'abri et dis aux autres de faire pareil, j'veux pas tuer mes alliés et j'veux pas qu'ils me tue.

En entrant dans la salle elle avait aperçut du coin de l'oeil l'un des gars de la veille qui était venus avec Lobsang. C'était rassurant de voir qu'il y avait au moins une personne qui n'hésiterait pas à lui tirer dessus si elle menaçait le moine, mine de rien lorsque que l'on voyage avec des gens aussi bons que ce dernier on s'y attache et on le protège.

La blonde frappe à la porte, elle est mal à l'aise. On va s'marrer....ou alors on va tous crever

Lobsang n’était pas rassuré par les propos d’Emiline.
Il s’inquiétait surtout pour elle, ce n’était pas le moment de menacer qui que ce soit avec une arme sous le prétexte d'une crise de folie.
L'allopathie occidentale n'était-elle pas capable de parer à de tels comportements psychiques avant que tout explose ? Il faudrait qu'on trouve des médicaments, il faudrait qu'on la soigne !
Et même si le sujet s’avérait assez délicat, vu la réaction de la veille, lorsque ses compagnons et lui, lui avaient demandé de déposer les armes, il décida de retenter sa chance, tout en acceptant l’invitation d’entrer que venait de leur faire la diplomate des Night Wolves. (Encore eux ! Ils sont partout ces fous-furieux !) Ainsi donc, en parlant à voix basse à Emiline, il entra dans la pièce :


- Si tu ne parviens pas à te maitriser, sache que mes connaissances en termes d’Aïkido le peuvent, mais il vaudrait mieux que tu me laisses ton arme avant, ou alors juste le chargeur. Fais-le tout de suite, il vaut mieux.

Il se demande pourquoi je ne me suis pas encore faite hospitalisé je parie, ou alors si je me suis enfuie de l'hôpital...merde ça foutrait les chocottes à n'importe qui mais lui il me demande mon chargeur

-Essais de me maîtriser si je déconne, me casse pas le bras droit, je tire avec. Je ne peux pas dire avec certitude quand je vais perdre le peu de conscience qui me reste, des fois ça se calme légèrement avant de tout péter. Reste attentif mais...ne te met pas en danger...s'il-te-plaît, j'aimerais pas me réveiller sur ton cadavre. T'es pas aussi con que les autres, ça doit être ton côté "illuminé", dans le bon sens du terme.

Tout en disant ces dernières paroles Emiline confia, un peu hésitante, son chargeur à Lobsang. Elle gardait l'arme, le poids sur son bassin la rassurait et la ramenait à la réalité lorsque sa conscience commençait à foutre le camp.

Il lui fallait expliquer en détail à quelle sauce la Serbe voulait les voir se faire bouffer la gueule. Des Troglos partout, l'Imperator dans des endroits improbables, et des ordures traînassant leurs carcasses bouffies de folie au quatre coin de la misère humaine. Il faudrait pour eux sortir là-dedans, à rejouer la scène des proies et des prédateurs, sans cesse inverser les rôles, se protéger et commencer à prier quelqu'un là-haut, avec un peu de pitié, et sans doute des raisons pas très nettes. Kimberley Clark se sentait nerveuse à l'idée de retourner dans le dehors. Si le trajet aller avait été presque sans encombres, il s'agissait surtout d'une mission diplomatique, avec un objectif certain. Là, rien n'était certain, sauf qu'il faudrait réussir à tout prix, sans quoi l'alliance entre les Salta, les Deckers et les Night Wolves tomberait comme un mauvais soufflé.

Elle finît d'expliquer les objectifs du plan prévu, puis se tourna vers les deux qui se parlaient sans visiblement l'écouter. Réflexe d'avocate, tout d'abord, elle détestait qu'on parle en même temps qu'elle. Ensuite, dans une situation difficile, il valait mieux écouter celle qui donne la voix de la survie. Simple conseil.


- Merci de ne pas parler en même temps que moi. J'ai énoncé la mission une seule fois, je ne le ferai pas une seconde. Si vous voulez avoir des armes efficaces pour tout à l'heure, évitez de parler en même temps que la Générale.


Encore deux qui ne finiront pas la semaine, à coup sûr.

"Ne me casse pas le bras droit"
Ça veut dire que casser le gauche est autorisé ? Non mais, et puis quoi encore ?
Décidément, personne ne faisait confiance en sa fine maitrise des arts martiaux !


Aïkido signifie, selon les kanjis japonais, "voie de la concordance des énergies", et non pas "je détruis mon adversaire à coups pied dans les côtes".
Si d'aventure, il avait besoin de maitriser Emiline, il le ferait bien-sûr sans lui causer le moindre mal. Non seulement parce-que c'était une règle inaliénable à cet art martial, mais d'autant plus, qu'il s'agissait là d'avoir comme adversaire, une jeune fille en détresse ! L'Aïkido, était l'un des arts martiaux préférés de Lobsang. Il avait insisté pour l'apprendre dès son plus jeune âge alors qu'il n'était pas très répandu au Tibet. Il avait pu le pratiquer grâce à une connaissance que ses parents avaient rencontrée lors de discrets rassemblements politiques. (Lorsqu'il s'agissait notamment de tenter des actions non-violentes contre la construction de la ligne de train Pékin-Lhassa.) Cette connaissance, d'origine Nippo-tibétaine lui avait appris les rudiments et Lobsang avait continué par la suite. Or, une bonne maitrise de l'Aïkido nécessitait de respecter son adversaire, et de se servir de sa force pour le maitriser. Il s'agissait donc, en quelque sorte, de transformer la violence de son adversaire en la situation de sécurité la plus stable possible. Détourner le mal d’autrui pour en faire le bien de tous. Cela impliquait donc de respecter l’intégrité du corps de l'adversaire. Mais il garda ses réflexions pour lui seul, vu la réprimande de la "louve de nuit rousse" qui se prenait pour un maitre d'école avec des airs outragés. Tout de même, intérieurement, Lobsang, se réjouissait qu'Emiline ait accepté de lui passer son chargeur, il y jeta un bref coup d’œil, il lui sembla ne voir qu'une seule balle. Ou sont les autres ? Combien de gens a-t-elle déjà tuée avec cette arme ? Il rangea le chargeur dans une des poches de son pantalon.


Sur ce, Lobsang voulu titiller la diplomate :

- Comment se fait-il que ce soit toi qui s'occupe de distribuer les missions, ici, dans ce cirque Salta, alors que tu es ambassadrice de ces fous-furieux de Night Wolves ?

Ils vont tous se faire sauter la cervelle ici ? C'est quoi leur problème ? C'est la fin du monde, ou du moins du nôtre, et eux ils sont fidèles à quelqu'un ? Tu peux te lier, affectivement parlant, mais défendre quelqu'un d'absent ça facilite ton accès à la tombe !! J'aime bien le moine mais si il n'est pas là pour se défendre il ne sera jamais au courant, la terre tournera dans le même sens et moi je resterais en vie.

- hum, perso je me fous pas mal de qui est dans le clan de qui. Je veux rester en vie et on m'a dit qu'en venant ici j'aurais plus de chances de le rester qu'en étant là-haut. Alors j'attend mais si on commence à péter un câble et dégainer pour rien on va tous crever dans ce sous-sol.

Tiens, j'ai réussit à faire une phrase complexe et à rester presque cohérente, ma crise doit être plus faible que ce que je pensais ou moins proche que ce que je pensais. La rouquine me rend un peu mal à l'aise là, pourquoi elle me regarde comme ça maintenant, on dirais que j'ai tué son chaton...ou alors elle a faim et elle regarde dans le vide.

La gamine venait de parler. Pas une voix raisonnable, mais dans le cas présent elle n'avait pas tort. Platoon ne tolérerait pas de retard, pas sur cette affaire. Un temps de réflexion, et Kimberley rangea son arme en fusillant Lobsang du regard. Elle prit une grande respiration, sortit un paquet de cigarettes, s'en grilla une, et reprit la parole, plus calmement, dans un silence olympien.


- Vous pouvez remercier la demoiselle. Elle vous a gagné le droit de ne pas connaître l'objet de la mission, puisqu'on s'en fout de qui bosse pour qui ou pour quoi. Elle veut rester en vie, et elle a bien raison. Nous sommes là pour garantir votre sécurité, et vous êtes là pour garantir notre approvisionnement. Que ce soit clair entre nous. Maintenant, suivez-moi.


Elle sortit de la pièce et suivit un long couloir surveillé par deux armoires à glace armés jusqu'aux dents. Les rumeurs des habitants du Cirque d'Hiver se taisaient à mesure de l'avancée dans le couloir, la lumière elle-même semblait pâlir jusqu'à s'éteindre. Après quelques marches à descendre, une porte en fer surveillée par trois types lugubres qui jouaient aux cartes, trois fusils anciennement militaires posés contre un mur. L'un porte un uniforme de l'époque, du reste. Ils ouvrent la porte et font entrer Kimberley.


A l'intérieur, des néons éclairent diverses caissons, boîtes de munitions, caisses, commodes et armoires. Des fusils en tous genres, des armes de poing, des armes blanches, un sniper, des grenades, et une rangée de gilets pare-balles trônant au milieu de la pièce. Diverses armes aléatoires, comme une tronçonneuse tâchée de sang, un marteau à clous, des raquettes de tennis avec des lames de rasoirs incrustées, des poêles percées par de gros clous, et tout ce que les gens avaient pu se fabriquer avant de venir ici. Ils peuvent voir aussi des polaroids affichés au mur du fond. Une petite dizaine.



- Ceux qui ne sont pas armés ni habillés pour sortir dehors, prenez ce dont vous avez besoin, vous passez devant le Sergent Léo pour vérifier le bon fonctionnement des armes et pour qu'il vous prenne en photo ; vous venez ensuite vers moi pour que je vous donne votre sac pour la mission. Ici, ils ont aussi des armures de chevaliers, vous avez dû en croiser quelques peut-être, mais je refuse catégoriquement qu'on apporte ça en mission. Compris ? Faites vite. Et n'oubliez pas, si vous ne prenez pas l'arme qu'il vous faut, si vous n'estimez pas nécessaire de vous protéger, vous finirez collés au mur.

Encore une fois Lobsang s’était trouvé menacé d’une arme à feu. Geste qui prouvait encore une fois la folie des Night Wolves, l’arme de poing précédent la pensée. Cette fois, au moment même où s’était posé sur sa tempe le canon de l’arme, il avait décidé de faire quelque-chose d’inouï, d’implacable, de fou, et qui s’avéra être pour lui un succès retentissant, plus retentissant encore que la déflagration d’un coup de feu, plus vif encore que la morsure d’une balle dans la chair à nu, gardant les yeux ouvert et perçant, dans un coin de sa tête, il s’imagina une fleur.
Dans tous ses détails. A cet instant, rien n’importait plus, en termes de calcul, que celui du nombre de ses pétales, rien n’importait plus, en termes de perception, que celle de son parfum éclatant.

Une fois la crise passée, et quelques explications, il sembla que la folie ambiante avait eu raison de celle qui semblait naitre, il a quelques instants, dans les yeux d’Emiline. Et après avoir traversé un interminable couloir, il s’agissait maintenant de se choisir une arme.

Lobsang n’avait toujours juré que par le bâton de combat, toute sa vie cela avait été ça, ou les mains nues. Il chercha dans la salle ce qui pourrait faire office de bâton, quelque-chose qui soit plus maniable et plus adapté que sa tringle, que ce soit un gùn chinois, un jo japonais, ou même, un grand makhila basque.

Il ouvrit alors l’une des armoires.

Dans l'armoire, Lobsang peut voir une rangée d'armes diverses, un fusil, un pistolet automatique, de grands couteaux de cuisine encore tâchés de sang, une poêle percée de trous, un rouleau à pâtisserie. Tout ça a l'air un peu vieux, déjà usé. Plus bas, un fleuret d'escrime, une batte de baseball ainsi qu'un sabre de kendo et une canne de combat. Au fond de l'armoire, une énorme branche de bois parsemée de lames de rasoirs trône dans une gelée blanche et rosée qui n'est pas sans rappeler de la cervelle. 




[Jet de chance : 4/20]