Connecting People

A Lobsang et Emiline.


Vous êtes dans un long couloir d'une hauteur d'un mètre. Après quelques instants de marche, vous vous trouvez devant une porte puis un sas doté d'une petite caméra. La voix vous parle de nouveau.


- Prière d'entrer nu dans le sas de désintoxication. Z'inquiêtez pas, c'est juste une douche à l'eau tiède, un peu de produit, et un moyen de vérifier ce qui traîne dans vos poches. Vous trouverez des vêtements propres à la sortie. A tout de suite.


(vêtements : t-shirts moulants noirs, pantalons noirs, chaussures de ville, sous-vêtements noirs, pulls, ceintures, chaussettes).

Quoiqu’avec un soupçon de nostalgie, il retira sa toge rapidement.
Il ne fit montre d’aucune pudeur envers la jeune fille. Lobsang comme la plupart des bouddhistes n’avait pas honte de son corps – de toute façon ce n’était pas le moment de rechigner – et il n’avait pas la moindre idée de ce que la nudité pouvait avoir de si peu catholique. Il s’aperçut tout de même que son geste montrait un véritable élan de confiance envers la voix du plafond. Il eut alors un moment d’hésitation, non pas à cause l’expression du visage d'Emiline (Il était trop plongée dans ses réflexions pour y faire vraiment attention.) mais à cause de son précédent cauchemar… et si c’était un piège ? Un piège parfait !
Ce rêve dont il n’avait cru rien pouvoir en tirer… s’il s’agissait d’un avertissement ? Au fond, la voix de son rêve était semblable, elle avait aussi ce ton au bord de la gentillesse, celui d'un homme sûr de lui qui se sent presque en sécurité…
Lobsang avait déjà prédit l’apocalypse, elle était arrivée ; cette nuit, n’avait-il pas prédit sa propre mort ? Si c’était un piège, il n’y en avait pas de plus réussit : faire croire à l’arrivée d’un danger imminent et faire que ses victimes s’enferment elle-même dans la cage. L’hésitation dura un instant, mais après tout, l’argument de la douche fut le plus fort, il se décida de faire confiance à celui qui venait probablement de lui sauver la vie.

Nu, il entra dans le sas de désinfection.

L’eau tiède fut la bienvenue… ça faisait tellement de jours qu’il ne s’était pas lavé correctement ! En fait… ça faisait depuis le jour de l’Apocalypse… et encore, ses ablutions avaient été durement interrompues ! Après une si bonne douche, aussi courte et peu luxueuse fut-elle, Lobsang voulait bien mourir. Ravi d’avoir considérablement rendu son odeur corporelle plus soutenable, il s’habilla avec ces vêtements occidentaux noirs qui étaient la bienvenue en termes de camouflage. Il enfila la ceinture, et ne refusa pas de mettre un pull ne connaissant pas la chaleur exacte que garantissait un T-shirt moulant. En sortant de la douche, il ne put retenir un petit sourire en se remémorant les rires de ses camarades de classe lorsqu’il était enfant à la simple vue d’une tunique européenne.
Lobsang n’avait pas encore dit un mot de toute la matinée, il ne fut alors pas très audacieux et osa un :

- Merci !

Ben, pas pudique le moine. Attend il veut que je laisse mon arme et que j'entre dans une douche totalement incapable de me défendre, "juste pour désinfecter" merde on disait la même chose dans les camps de concentration !!! Et l'autre abruti il y va sans se poser de question... Elle est chaude au moins ?? J'imagine que ça fera l'affaire.

Après une douche finalement inoffensive et entièrement bienvenu, Emiline enfila les vêtements mis à sa disposition et prit le temps de se demander comment il avait fait pour avoir de l'eau chaude, un mini réacteur nucléaire, une éolienne sur le toit, un panneau solaire ?? Mouais le panneau semblait être la solution la plus logique.

Elle se retourna et entendit le "Merci" de son compagnon de route.

-Oui j'imagine qu'on vous en doit une, si tout se bordel n'est pas un putain de piège bien sûr.

De leur sauveur (?) elle ne vit qu'un fauteuil noir qui se dressait devant eux, leur hôte ne daigna pas leur adresser un regard lors de leur entré.

Si il se tourne doucement en disant "Je vous attendais" avec un chat blanc sur les genoux, c'est décidé, j'me barre.

En face d'eux, une sorte de loft basée dans une cave. Une longue cuisine américaine, grand comptoir chargé de bières vides, de tasses de cafés et de bouquins tenant des ordinateurs allumés. Une énorme table faite avec des tréteaux prend une partie de la pièce, recouverte comme le comptoir, en plus bordélique. A côté, contre les murs, d'immenses armoires de bureaux ouvrent leurs portes et dévoilent leurs contenus : nourritures, armes, vêtements, fils électriques, unités centrales, pièces détachées, boissons diverses, réchauds à gaz.

Derrière la table, un cercle d'ordinateurs trône majestueusement. Des machines empilées sur trois ou quatre rangées, un cercle occupant tout l'espace arrière de la pièce, énorme et démesuré. La lumière projetée par l'ensemble forme un stroboscope de multiples couleurs. Des fils enchevêtrés mènent jusqu'aux murs, vers un mystère promesse d'électricité. Il y a de toutes les sortes d'ordinateurs, du MacBook portable au Mac fixe dernier cri, et toutes les autres marques, si bien que cela ressemble à un rayon d'une boutique spécialisée.

Sur un bureau juste à côté, un fauteuil bouge par moments. Une main se lève et la voix qu'ils ont pu entendre résonne dans la pièce vide.


- Merci de votre coopération. Vous êtes assez dociles, j'en déduis que vous ne tenterez rien de dangereux. Du moins, je l'espère, dans votre bien.

Bruits de pianotements de clavier.

- Vous avez sans doute des questions à me poser, je crois. Avant tout, si vous voulez prendre une boisson ou quelque chose de plus consistant, nos frigos sont à votre disposition. Je suis à vous dans quelques minutes...je suis l'avancée des Corbacs qui venaient vers vous.

Nouveaux pianotements.

- Installez-vous le temps que je finisse ce que j'ai à faire.

Un bruit de mitrailleuse se fait entendre, venant d'un écran. Un petit rire victorieux surgit du fauteuil quand le silence revient dans la pièce.

- Je finis mes lignes de code et je suis à vous. Vous pouvez parler pendant que je travaille, je vous écoute attentivement.

Lobsang n’avait jamais vu un tel décor. C’était comme si le passé et le futur venaient de se rencontrer.
De se rencontrer dans un même nœud, au même instant. La cave semblait vieille, morte, elle avait un aspect d’oubliette perdue, et aux milieux, comme une explosion nouvelle, se tenait un véritable arsenal informatique. Ce cœur brillant illuminait la pièce de lueurs changeantes, et il semblait que la cave se réveillait avec des traits rajeunis. L’ensemble était à la fois chaotique et cohérent. Les écrans, miroitant de jeunesse, s’appuyaient sur un décor dépassé, et ce décor recevait avec une harmonie certaine cet éclat plasmatique comme un nouveau visage et un nouvel espoir. Dans un cocon de vieille brique, naissait une vie translucide, diaphane et lumineuse. Cette vie semblait être transmise en partie au moyen de gaines et de câbles plongeant dans un mur, à l’image d’artères et de veines serpentant sous la peau. La vitalité de l’ensemble ne se caractérisait pas seulement par la lumière, elle se caractérisait aussi par l’anarchie du rangement. En contraste avec la solide et stable architecture de la pièce, s’étalait un peu partout sur les tables, un désordre sans borne.


Lobsang n’avait pas compris tout ce que racontait leur hôte. Il avait l’impression de faire un peu partie de cette cave mais de ne pas encore en recevoir toute la lumière. En toute franchise, il ignorait entièrement ce qu’était une « ligne de code ». Ce n’était pas la première fois qu’il butait sur ce genre vocabulaire, il n’y accorda pas beaucoup d’importance, et pris l’initiative de se présenter.


- Mon nom est Lobsang, Lobsang Rimpotché. Quatrième réincarna…  …enfin peu importe. J’ai pas mal de questions à poser, et peu de choses enseigner. Je laisse … hum… (Ma compagne ? Ma voisine ? Ma collègue ? Ma camarade ? Bigre ! Quel est le bon terme en français, déjà ?! Bon tant pis.) …la demoiselle se présenter, mais sans aucune hésitation, ma première question sera :

Qui es-tu ?






Edit : J'ai édité le vouvoiement que Lobsang ignore d'habitude, excusez cet erreur de ma part.

- Bonjour, Lobsangle. J'espère que ta tenue actuelle te plait autant que la précédente. Elle est certes moins représentative, j'en conviens, mais elle saura allonger ton espérance de vie.

Musique d'ambiance, Carmen, opéra de Bizet. La voix fredonne quelques notes parfois, et reprend le fil de la discussion, suivant la reprise sur un clavier malmené.


- La question est très pertinente, tu sais. Il est amusant qu'elle n'arrive que maintenant, tu ne trouves pas ? Car tu as suivi le tunnel menant dans les entrailles du terrier du lapin pressé, et maintenant ? Est-ce un fou, un psychopathe, un serial killer, un sadique...ou alors juste une bonne âme charitable ? Moi-même, après une journée fortement remplie, je me pose la question...qui suis-je ? Voilà que j'étais un crack sur les mmo, simple geek informatique, et voilà que je tue des gens à distance...drôle de monde que ce monde qui nous a tous transformés, à notre propre surprise. Je ne me reconnais pas, et pourtant ce moi qui n'est plus moi me plait davantage.


La main saisit une tasse de café à proximité de l'écran.


- Excusez mon bavardage...il est rare que je sois en compagnie en journée, alors je parle tout seul. Aujourd'hui c'est différent, j'ai de la visite.


Bruits d'aspiration d'un liquide.


- Je finis juste mon tour de ronde quotidien. Désolé pour le manque d'hospitalité, mais cela est plus important que de simples rencontres...sans vouloir t'offenser Lobsangle. Et la charmante demoiselle à la jolie peau n'a pas encore donné de sa voix, ce qui est inespéré, si j'en crois votre cinéma d'hier. Je vous écoute toujours.

- Excusez moi, je me sers en café si ça ne vous dérange pas. Vous trouvez que j'ai une jolie peau ? Profitez bien, si j'ai mon mot à dire c'est la dernière fois que vous pourrez la voir.

Quitte à vivre une journée délirante autant en profiter.
Elle se dirigea vers le comptoir à l'américaine et regarda la cafetière comme si elle était en diamant. Enfin du café et de la nourriture qu'elle n'avait pas à prendre dans une maison avec un cadavre au milieu du salon.

- Tu veux quelque chose ? Demanda-t-elle à son comparse tout en prenant une tranche de pain, un luxe sur lequel elle ne voulait pas s'attarder sinon elle allait commencer à poser des questions et leur hôte ne semblait pas encore disposer à y répondre.

Elle s'installa sur une chaise et observa les diverses ordinateurs de la pièce, tous très performants, connecté à un réseau fermé a priori mais ce n'est pas comme si le grand internet était encore utilisable. Bref elle était sûrement dans l'endroit le plus sûr et le plus luxueux de Paris à l'heure actuelle et elle n'allait pas se priver.

Le temps des réglages allait se terminer, Jude commençait à fatiguer sur son clavier. Check caméras, extérieur et internes. Check automatisation des alarmes, pièges et armes automatiques disposées dans tout le périmètre vital de leurs installations. Dernières lignes de codes à fournir, et enfin un peu de paix. Discussions, ouvertures, ennui. Des gens. Des gens dociles, des moutons, des suivants, des esclaves. Pourquoi les avait-il guidés jusqu'ici ? Le codage permettait de se questionner. Gagner du temps, tout analyser, et appuyer sur Enter.


Ils n'étaient pas amis. Ils n'étaient pas proches. Le type en jupe était seul, prêt à saisir n'importe quelle main. Enfoiré d'humaniste, à croire encore en la laideur. Pas lavé depuis plusieurs jours, pas mangé, accepte tout, même l'inconnu. Ça ne devait pas être drôle à l'extérieur. Une tringle de douche en plus ? L'est con ou quoi ? S'il a survécu avec ça, il devrait pouvoir pas trop mal gérer. Curieux. Danger. Pas de questions.

Elle...tout ce qu'il y a de méprisable de la fougue féminine. Grande gueule. Affirmée. Assurée. Morte de trouille.
Elle pointe un flingue sur le premier venu, elle l'accepte, refuse, s'éloigne, le suit. Manège de rapace. A surveiller. Morte de trouille, ou déjà morte. N'aurait pas peur ? Elle parle trop fort. Elle parle trop. Elle parle.


Pendant qu'il finissait son code, il lorgnait de temps en temps sur un petit écran à côté qui lui donnait les mouvements de ses deux invités, depuis une caméra montrant toute la pièce. Observation des deux côtés...il était temps, quand ils mangent. Go.
Il retourna son fauteuil et apparut en souriant face à ses deux interlocuteurs. Il pencha un peu le menton vers le bas, fixant avec une intensité coutumière les deux nouveaux venus.


- Enfin fini ! Alors, je crois que nous allons faire les vraies présentations, comme il faut. Je me nomme Jude. Jude Laurens, chef et opérateur informatique chez les Deckers. Vous êtes ici dans notre salle commune, le foyer des Deckers. Vous avez raison de vous servir, mademoiselle, faites comme chez vous. Nous les Deckers sommes ravis de rencontrer des survivants, s'ils montrent de bonnes intentions. Rassurez-vous, nous en sommes aussi remplis, et votre peau n'aura de voile qu'avec nos yeux fermés. On n'est pas chez les Night Wolves ici...

Saisissant une tasse près de lui, il lèva son verre vers eux et but goulument le contenu.

- Vous vous demanderez sûrement ce que sont les Deckers. En fait, on pourrait dire que je suis les Deckers, de la manière dont la ville les connaît. Je suis celui qui utilise les ordinateurs pour régner sur la ville. J'ai programmé un bunker intelligent et pratiquement autonome, capable par le piratage des caméras encore en fonctionnement de trouver ce qu'on veut ou ce qu'on veut éviter...bien sûr, une équipe gère l'aspect contraintes matérielles, comme l'électricité, ou la récupération. Nous sommes la partie immergée de l'iceberg Salta, une sorte d'annexe indépendante du groupe qui contrôle le quartier. Échange de bons procédés contre survie assurée. Vous voyez le tableau ? Bien. Je ne sais quand mon groupe d'intervention reviendra, mais si vous voulez poser des questions pressantes, nous pourrons les résoudre ensemble. Sachez d'ors et déjà que la coalition américaine vient d'exploser en éclats. Du moins, ce que j'ai lu sur le blog des 9 colonies survivantes n'invite pas à l'optimisme, j'en ai bien peur.

Effet de voix pour créer un bâillement à chaque mot, comme une lassitude. Mieux, une évidence.

- Mais j'ai assez parlé, et ma gorge sèche terriblement. A vous de vous raconter.

Installé sur une chaise à côté d’Emiline, Lobsang finissait sa tranche de pain avec douceur. Et même si ces odeurs de nourriture avaient réveillé en lui une faim considérable, il voulait éviter de malmener son estomac vide depuis deux jours. Il mâchait avec un coup de dent bien assuré tout de même et cela faisait ressortir dans sa bouche un agréable goût de farine sur le bord de la croute. Ce plaisir accompagné de la musique qui baignait la pièce lui donna presque envie de mâcher en rythme, ce qu’il décida de ne pas faire afin d’éviter un regard trop étrange peser sur lui. Il se dit qu’à ce moment ses yeux bridés devaient probablement ressembler à deux petits sourires optimistes.
A la question « Qui es-tu ? » il avait eu comme réponse une voix bien calme, d’abord assez sibylline, puis beaucoup plus explicative. Alors il s’avérait que, non seulement leur hôte ne semblait pas être un sadique psychopathe, mais qu’il semblait aussi accueillant que bienveillant. En revanche, si Lobsang avait assez bien compris les explications, cet homme n’avait aucun scrupule à mitrailler les gens à distance depuis ses ordinateurs, ce que Lobsang trouvait peu moralement justifiable. Il se dit qu’il garderait se remarques de pacifiste pour plus tard afin de prendre le temps de se présenter correctement. Il regarda Emiline un instant, rassembla ses mots, puis se tourna vers le dénommé Jude.


- Je suis un réfugié politique tibétain, j’habitais rue Bouchardon jusqu’à hier. Depuis, en explorant le square André Tollet, j’ai rencontré quelques survivants plus ou moins sympathiques et nous avons été encerclés par un groupe de Night Wolves. Ayant abattus une demi-douzaine d’hommes agressifs, ils ont finis par nous apprendre l’existence d’un groupe de survivant nommé Agora de l’autre côté de la Seine vers la place d'Italie et nous ont proposés d’aller parlementer avec l’Agora pour organiser une rencontre entre les chefs des deux groupes. Par je ne sais quel élan d’obéissance, un décoiffé habillé de broc, un jeune homme déjà vaguement rencontré, un gamin de vingt-ans prétentieux et moi... avons décidés de jouer le jeu en nous dirigeant vers l’Agora ! Enfin… de mon côté j’espérais trouver refuge chez des gens qui ne pouvaient pas être plus cinglés que les Night Wolves.
Bref… En chemin, nous avons voulu explorer un garage, et tu connais la suite, (Lobsang n’avait toujours pas pris cette habitude de vouvoyer les inconnus, mais en l’occurrence, l’inconnu le lui rendait bien.) mes compagnons de route ont été effrayés par ce qu’on pourrait appeler « les simples gestes de précautions » d’Emiline  et ont déguerpi je ne sais où. (En nommant la jeune fille il la montra distraitement et inutilement du doigt.)
Voilà... Du coup, j’ai deux ou trois questions à poser. Ces caméras permettent-elles de savoir où sont allés mes compagnons de route ? Et… hum... Pourquoi tires-tu sur certains survivants et en sauves-tu d’autre ? Qu’est-ce qui fait qu’Emiline et moi sommes encore en vie ?


Lobsang n’avait pas autant parlé depuis des lunes, et il était peu satisfait de son éloquence bancale. Il se tu sur cette dernière question en lui donnant ainsi, par inadvertance, un aspect assez dramatique, ce qui le fit esquisser un léger sourire afin de rééquilibrer le ton. Décidément ! Malgré toutes les horreurs, il y avait toujours mille raisons de sourire dans ce monde édenté.

Chaos. Destruction. Savon. Il avait lu sur une page internet, il ne savait plus où.

On souffre, on se trouve malmené dans le grand désarroi du monde, on a tout perdu, amis, familles, boulots, loisirs, mais on réussit tout de même à parler, à continuer, se connecter à l'autre pour soigner son vague à l'âme. Putain d'homme, toujours à vouloir se frotter à d'autres, que le réel soit moins difficile dans le doute. Putain d'humain.

Un réfugié politique, hein ? Façon de se donner un genre, sûrement. La politique a conduit ce monde à sa perte, et les réfugiés n'ont jamais sonné les bonnes sonnettes. Et pas assez fort, pas comme il fallait. Que des paroles lancées dans un mégaphone aphone, se heurtant à des audimats lobotomisés à la connerie. Rien à faire des systèmes, rien à foutre des connards qui croient en leurs idéaux, alors que tout pète à la gueule de nos yeux éventrés. Tous ces clowns me font bien rire, et lui le premier, dans sa jupette écarlate. Une cible vivante pour les prédateurs. Il a toujours été une proie, se croyant sûr de sa pensée, prêt à se faire bâfrer par la première gueule à portée. Aveugle, ignorant, malfaisant.
Alors, voyons s'il est assez fort pour devenir comme les Loups, s'il peut hurler avec la meute. S'il peut tuer tout en restant zen, le sang-froid tâché de sang...



- Les caméras me permettent de voir tout le périmètre que tu as décrit. J'ai vu Donovan des Night Wolves jouer avec vous comme avec des oisillons blessés qu'on file à son clébard. J'ai vu ton groupe. Espérance de vie : 3 jours. Une semaine si le punk à chien guidait. 3h si tu prenais la tête avec ton pote d'Artagnan...Ici, on ne joue pas à la guerre, on ne fait pas d'acrobaties. C'est au plus fort, celui qui surprend, qui tire le premier, qui ne se fait jamais voir, que revient l'amère victoire de rester en vie. Tes compagnons sont allés chez les Saltas. Tu pourras aller les voir très bientôt, car tu vas te rendre utile...on ne mange pas gratos. D'ailleurs, il reste une marmite de cassoulet, si vous avez vraiment faim.


Utiles, ils le seraient sûrement. Ils ont croisé les Night Wolves en chasse, et doivent aller voir selon leur bonne volonté l'Agora en détresse...sur leur chemin, les Saltas et les Deckers. Partout ailleurs, des Troglo qui sèment le silence.


- J'ai tiré sur des Corbacs. Ce sont des gens qui vivent sous terre, et qui ne sortent que la nuit, des bouches de métro. Crois-moi, si tu vois ces hippies sortir de terre, tu cours. Fuis pour sauver ta vie sans réfléchir. On dit des choses sur eux, des choses qui font passer les Night Wolves pour les gentils de l'histoire. On les appelle différemment selon les quartiers : les Vampires, les Connards de Hippies, les Morts-aux-Rats, les Métropolitains...mais ils se nomment les Troglodystes, et ils occupent le métro parisien. Ils peuvent sortir n'importe quand, n'importe où, sans faire de bruit. Et clac, bang bang ! t'es mort mec ! Crois-moi, c'est de vrais tueurs. J'ai déjà imaginé un plan pour tous les faire sortir et les mitrailler, mais il me faudrait le parc automobile de la capitale...
Vous deux, vous êtes différents. Pas armés, solitaires, peur de tout, peur de l'autre, naïfs et crédules. J'aime cet esprit, on peut y forger les meilleurs guerriers avec deux trois baffes. Mais la vraie raison, c'est que vous étiez dans mon espace de vision, et qu'avec ta jupette, tu attires trop l'attention. Je préfère me coltiner deux parasites plutôt que tout l'Imperator au grand complet, repéré grâce à un phare vivant qui fait des pirouettes dans la rue.


Il était bavard. Il s'amusait assez, en fait, entre provocation et intimidation. De quoi former les jeunes esprits à la dure réalité. Ils étaient entourés de flingues, qui étaient tous près de leurs tempes. Le reste n'était qu'une histoire de proximité.

Il veut jouer ? C'est bon pour moi.

Un long sourire éclaira le visage d'Emiline sans qu'elle ne ressente de la joie pour autant. Elle ne savait pas l'heure et la date précise mais elle savait que le temps où elle était à peu près saine d'esprit touchait à sa fin. Elle se souvenait très bien de la dernière fois qu'elle avait littéralement "perdu conscience", les hommes du groupe avec qui elle avait fait un bout de chemin avant d'arriver à Paris gisaient tous à ses pieds, morts, et elle avait encore son arme, elle ne savait pas exactement ce qui s'était passé mais cela n'avait pas dû être beau à voir. Pour l'instant elle ne savait pas si elle allait craquer sous peu mais elle ne voulait pas faire de mal au moine, Lobstruc, par contre l'autre il commençait à lui taper sur les nerfs, sérieusement.

- Il n'y a que deux choses essentielles que tu doit savoir sur moi, je suis nerveuse et j'ai une arme chargé. A la lumière de ces petits détails je te déconseil de me rendre....inquiète pour ma sécurité. Si tu veux jouer Call of' dans la rue vas y mais ne commence pas à me faire chier, quand on joue à la guerre il faut faire avec les cons qui sont là quand on ne s'y attend pas.
Au fait, en parlant de mon flingue, faut que je le récupère. C'est une mesure de sécurité pour vous comme pour moi.

Une menace. Non pas qu'il s'y attendait, mais c'était vraiment trop facile. Le moine était conciliant, la gosse nettement moins. Bons réflexes de survie, mauvaise exploitation. Calculs rapides des armes présentes dans la pièce, le temps d'un battement de coeur accéléré, puis retour au calme. Il prit sa tasse, alla se chercher du café, puis revint sur son fauteuil, assis en tailleur.


- En principe, je ne le dis jamais en guise d'accueil, mais depuis le début, une arme est pointée sur vous. J'ai retenu l'essentiel de vous, à vous de retenir cela de moi. Les détails, voilà les raisons de nos plus belles incompréhensions, menant à des disputes, puis l'adrénaline bout, monte et éructe, et alors tout part en gerbes de fleurs et de sang...Mais après tout, ta sécurité n'a dépendu que de ton bon vouloir. Tu es venue ici de ton plein gré, alors pourquoi s'en prendre à moi ?


Regard fixé sur la jeune fille, la tasse portée à la bouche. Il aurait presque pu y joindre un sourire, mais on ne sait jamais sur quel cinglé on peut tomber de nos jours. Gros avantage du net dans les rencontres : le rapport humain supprimé supprimait aussi les tensions inutiles.


- Ton flingue est de l'autre côté du sas...on ne rentre pas armé dans mon espace de travail. Je ne le redirai pas. La sécurité, ici, c'est moi, et cette cave. Vous ne trouverez pas mieux que cet endroit pour trouver la paix. Alors si tu vas chercher ta sécurité, tu la testeras sur le reste de la ville, mais pas ici. Suis-je clair ?


Ton ferme. Peu énervé, juste ferme. De quoi humer la tasse d'un air conquis.

Lobsang avait attendu que Jude, en répondant à sa première question, le lynche une énième fois sur sa toge monastique. Quel radoteur celui-là ! Et il s’était servi du cassoulet. Ca faisait un moment qu’il avait laissé tomber l’idée de devenir végétarien comme le recommandent les dogmes traditionnels bouddhiques. Il se disait que toute façon même le Dalaï-Lama mangeait de la viande, et qu’il n’était pas sûr de trouver beaucoup de plantations de légumes dans cette région irradiée, tandis que le rat phosphorescent, le chien radioactif et l’humain cancérigène ne posaient pas de problème, on en trouvait assez facilement. Tout-de même, Lobsang se demandait si les chances de survie n’étaient pas meilleures en étant, seul, dans une ferme en pleine campagne que, tous, regroupés dans un seul trou à s’entretuer. Jude disait que les autres froussards avaient trouvés de la compagnie chez ces « Saltas ». Eh bien, on ne reste pas seul bien longtemps quand on sort de chez soi en fin de compte !

Et lorsque Lobsang eut écouté la réponse à sa deuxième question, il n’eut pas l’impression qu’elle était suffisante pour justifier de tels actes meurtriers. Tuer, oui, cela semblait nécessaire dans ce monde où certains hommes ne méritaient plus vraiment la qualification d’êtres humains. Mais tuer par derrière, non. Lobsang préférait d’habitude combattre selon les règles d’honneur, quand bien même ses adversaires ne s’en souciaient guère. Pire que faire fi des règles d’honneur, cet homme semblait avoir trop de pouvoir pour un seul homme, cette capacité de décider de la vie et de la mort avait quelque chose du Thaumaturge tout puissant qui déplaisait à Lobsang. Mais il devait reconnaitre que la réponse n’était pas non plus dénuée d’une certaine raison. Il fallait peut-être abandonner l’espoir de vivre avec une conscience tranquille et plutôt de se contenter de survivre en ayant le presque bonheur d’être presque en vie.

Par contre, lorsque Lobsang entendit « peur de tout, peur de l'autre » dans le portrait qu’il était fait d’Emiline et lui, Lobsang trouva que le Jude allait vraiment un peu loin dans son délire. Emiline ressentait certainement la peur, mais pas lui. Il ne l’avait pas encore ressenti, sauf vaguement dans son cauchemar, et si les caméras pouvaient presque tout voir, elles ne pouvaient pas s’insinuer dans ses rêves. Lobsang n’avait laissé encore aucune place à la peur de l’autre jusqu’ici. C’est pour cela même qu’il était resté avec la jeune fille armée alors que ses compagnons avaient pris la fuite, c’est pour cela même qu’il était ici, à écouter les dires d’une drôle chevelure rousse se prenant pour un dieu Pantocrator.


Mais depuis le début Lobsang n’avait ouvert la bouche que pour y enfourner des fourchetées de haricots blancs (il n’y avait toujours pas mordu dans un orteil humain, quel aubaine !) et pour rire un coup en entendant « on ne rentre pas armé dans mon espace de travail ». Quel que soit la situation Lobsang était toujours armé. Il en avait fait la preuve lorsqu’on avait tenté de l’assassiner dans sa douche il y a plus de trente ans, et depuis, nul doute, son corps était une arme. Certes, face à une arme à feu automatisée et dissimulée, il avait peu de chance, mais pas moins qu’avec une lourde tringle. S’il y avait une chose, une seule chose que Lobsang maitrisait avec excellence, c’était bien l’art du combat. Mais Lobsang voyait en ce monde trop de violences inutiles, et voyant le ton monter entre Emiline et Jude il décida d’intervenir, mais, il dû avouer qu’il était à court d’imagination. Alors, négligeant le fait qu’une arme était pointée sur lui, il prononça un peu fort et avec sincérité, la bouche presque pleine :


- Il est vraiment bon ce cassoulet !

Et il ajouta plus doucement :

- Dites, si vous pouviez un peu baisser le ton vous deux, juste un peu, afin que je puisse savourer en paix, ce serait vraiment vraiment sympathique de votre part...

Ce qu'il n'aimait pas avec les nouvelles mentalités issues du chaos, c'est qu'elles étaient difficilement supportables. Tout doit être selon leurs volontés, leurs désirs et leurs décisions. Impossibles à contrarier, encore moins à remettre à sa place. En retrouvant la puissance dans la solitude, ces petites têtes avaient également retrouvé les caractères asociaux insupportables. Pires que lui. C'est dire. La fille n'en ferait qu'à sa tête, ne voyait pas la pleine beauté et la toute puissance de l'installation dans laquelle elle reposait. Le Bunker n'était pas seulement une antre de nourritures, c'était quelque chose d'innovant pour le monde à venir. Mais un bouddhiste en kilt et une pisseuse ne pourraient jamais comprendre à quel point la Rotonde qu'il avait créé viendrait bouleverser les ruines qu'ils fréquentaient. Il était temps de les mettre au parfum.


- Savourez votre repas, vous en aurez besoin. Je vous l'ai dit : ici, on ne mange pas gratuitement. Si vous voulez continuer de manger, il va falloir vous rendre utiles. Quand vous aurez fini, passez donc chez les Saltas prendre des protections et une arme digne de ce nom. Et je vous préviens, la Générale n'est pas aussi gentille que moi. Je dis ça pour la Demoiselle.


Regard appuyé sur les deux individus.


- Je te l'ait dit, Jolie Peau. Soit tu passes par les caves pour rejoindre les Saltas, par la porte qui se trouve derrière moi. Soit tu récupères ton arme et tu reviens dans le garage, à la merci des connards de hippies. Alors, tu feras attention que je ne te confonde pas avec l'un d'eux. Une balle part maladroitement quand l'indécision s'y met.


Il se retourna et commença à pianoter sur son clavier. Sur un ordinateur de la Rotonde, Debussy se mit à résonner. Il appuya un énorme casque audio sur la tête, et désigna d'un geste une porte qui s'ouvrait lentement devant lui. Il plaça enfin deux oreillettes sur la table, destinées à une ou aux deux personnes présentes.

Ouvertuuuuuuuure de portes ! Le frangin devait être encore à ses amourettes numériques, en train de boire son café de branleur. Pendant ce temps, bibi et ses copains se cassent les moignons pour lui trouver son petit matos de petit chimiste. Les parents auraient dû l'inscrire au rugby, ça lui aurait fait du bien de prendre des coups et de se faire plaquer, pas comme dans ces jeux et ces programmes à la con.
Ouvertuuuuuuuure de portes ! On ramenait du bon matos, cette fois. Portables, un nouveau pc portable trouvé dans les ruines, dans un tiroir, de quoi bricoler deux trois nouveaux pièges et surtout une boîte de spaghettis. My God ! Avec la bolo en conserve chopée l'aut' jour, on va se faire péter le bide ! Ça nous remontera le moral, de bouffer du gras. A l'époque j'aurais pu râler, mais vu que la mode, comme toutes les stéréotypes crachés par la pub, s'est faite démontée façon nuketime, rien à foutre ! J'emmerde les mannequins qui ressemblent à des squelettes, maintenant tous les squelettes font de la pub pour le nuketime ! Miahahaha ! C'que j'ai envie de bouffer, putain !


- Frérooooooooot ! Regarde ce qu'on a ramené  ! Frérooooooot ! Pourquoi t'as ouvert la porte ?


Tiens, l'est avec du monde. Sont passés par le sas et la fille a piqué l'un de mes t-shirts, la garce ! Ils bouffent notre cassoulet, en plus ! Mais z'allez-y, z'gênez pas, z'êtes chez vous ! Pas possible ça, d'où ils sortent ces loqueteux ! Merde de merde de merde, va falloir encore plus partager la bouffe, mais c'est pas possible ! Déjà, bon, les gars mangent comme deux, alors qu'ils sont quatre, mais deux en plus, et sûrement affamés, ça va pas le faire ! Tant pis, je passerai pas mes spaghettis, et qu'ils s'étranglent avec leur cassoulet !


- Fréroooooot...c'est...c'est qui ces gens ? Tu avais invité des gens ? Ce serait bien de prévenir ! Les oreillettes elle servent à ça, putain ! ELLES SERVENT A ÇA LES OREILLETTES ! CAPITO ? La prochaine fois que tu me fais ce coup là, j'appelle Platoon. Je l'ai croisé avant qu'il ne file sur Monceau, et je peux te dire qu'il embrasse aussi bien que sa réputation le dit. C'est un vrai mec, lui. Mais je préfère Valcourt, il est plus...j'sais plus, il a un truc. Mais merde, c'est qui ces gens ?


Et vas-y que je t'enfile les haricots discretos. Attends, j'vais t'apprendre la politesse moi. T'vas voir comment on dit bonjour quand on pique l'assiette de Naomi. C'est moi Naomi, si tu te poses la question. Ouais, salut, alors ces vacances ? T'as pris des photos ? Ah oui, il paraît que c'est beaucoup moins cher que la France en ce moment, d'ailleurs avec Bernard, on pensait aller là-bas mais en septembre, tu vois, c'est beaucoup moins cher. Forcément connasse, t'es toute seule sur la plage, y'a personne pour mater ton corps flasque. Mais merde, comment on va faire pour partager encore plus que maintenant ? Va falloir planquer le Lindt et les cornes de gazelle !


Elle va vers Jude et l'embrasse sur la tête en s'excusant et en demandant les dernières nouvelles et informations. Discutant à voix basse avec lui, en mimant des gestes avec une fourchette imaginaire, elle zieute de temps en temps les deux nouveaux. Puis, rayonnante, elle s'approche d'eux pour les saluer. Un baiser langoureux sur la bouche du chinois, un autre sur la jeune fille, sa langue tentant d'ouvrir les lèvres de cette dernière.


- Salut les nouveaux. Le frangin m'a expliqué la situation, vous pouvez rester. On va manger un petit bout, nous. Finissez le cassoulet tant que vous voudrez. Après une petite douche, on se remet en route chez les Saltas. J'suppose que vous en êtes.






[Naomi rentre dans la grande salle avec quatre hommes et deux femmes. Ils se présentent après l'entrée de Naomi.

Philippot. Trentenaire. Rasé de près, crâne presque rasé. Lunettes de soleil rondes. En tenue de flic, porte deux pistolets.
Jérem'. La vingtaine. Cheveux longs attachés en queue de cheval. Carabine et bardé de couteaux divers.
Bérénice. La vingtaine. Eurasienne. Porte un casque de motard, un gilet par balle sous un grand blouson de cuir. Pistolet.
Quentin. La vingtaine. Marcel et pantalon militaire. Mitrailleuse. Coupe iroquoise. Tatoué. Percé.
Nova. La soixantaine. Porte un gilet pare-balles, jeans serré, lunettes. Cheveux courts. Carabine.
Modibo. Trentenaire. Peau noire. Géant. Deux pistolets.

Ils se défont de leurs affaires et s'installent au grand comptoir pour manger.]

Enfin quelqu'un qui n'a pas complètement disjoncté après tout ce bordel !! Elle est un peu cinglé mais je pense que c'est plus ou moins d'origine.

La nouvelle venue les avait examinés, puis fusillés du regard, alors qu'ils continuaient à manger le cassoulet.
Et maintenant elle proposait d'aller sortir dans le monde que sont frère construisait.

Emiline n'était pas idiote, la seule raison pour laquelle un gamin comme ça montait des plans pareils c'est soit parce qu'il était fou à lier soit parce qu'il faisait l'Histoire, elle avait vu assez de "grands" hommes dans le bordel de sa soeur pour faire la différence entre les beaux parleurs et ceux qui agissent, le gamin faisait partit de la seconde catégorie. Et sa soeur lui donnait l'occasion de sortir d'un bunker où elle risquait de péter un plomb à chaque instant, une occasion à ne pas manquer.

- Ok, je te suis. En se tournant vers le gamin, Mais il me faut mon flingue, j'y suis très attaché et souvent il est l'unique....assurance vie de mes compagnons de route. Désolé de devoir insister.

- Et moi il faut absolument que je récupère ma tringle.


Ajouta Lobsang, malgré une situation qui lui échappait un peu. Il venait de se passer quelque chose d'inhabituel, mais il ne savait plus quoi...


- Mais vous pouvez être sûr que, vu la qualité de votre cassoulet (disait-il, en montrant son assiette vide), c'est avec plaisir que je fais partie de l'équipe pour payer ma pitance. Seulement, je peux vous assurer que je suis généralement plus utile avec une tringle à rideau qu'avec une seule de vos armes... à moins que vous ayez un katana... ?


Quoi ? Hein ? Comment ? Cette furie venait de l'embrasser ? Non... Si ?
Lobsang n'avait jamais embrassé une seule femme de sa vie et n'était pas près de s'en remettre.
Pourquoi l'avait-il laissé s'approcher à moins d'un mètre ???!

- C'est que... mon histoire est celle d'un moine bouddhiste tibétain maitrisant quatre ou cinq arts martiaux, mais n'ayant jamais touché une seule fois une arme à feu. Et cette tringle... je lui doit déjà plusieurs fois la vie. Merci de me permettre de la retrouver.



Nooon... C'est vrai ?! Elle l'avait réellement embrassé ? C'est ce qu'elle venait réellement de faire ?... Mais... Mais, il s'agissait presque d'un viol ! Elle venait de mettre un coup magistral dans le résultat de plus de quarante ans de chasteté ! Il avait été arraché à l'âge de sept ans de sa famille, de son école, de son village, et envoyé dans les plus grands monastères faire vœux de chasteté et de méditation, et jamais, de toute sa vie, il n'avait approché une femme.
A vrai dire, il n'y avait eu que Lasya, rencontrée à l'âge de cinq ans, avant qu'on ne l'emmène. Lobsang ne l'oublierait jamais, ils étaient dans la même école, son visage lui revenait encore, c'était une splendide fillette brune... Mais ils étaient enfant, rien de concret ne s'était passé entre eux évidement. Et depuis ce jour de janvier où l'on avait reconnu qu’il était la réincarnation d'un lama de renom, depuis ce jour où sa vie avait basculé et où il avait perdu toutes racines, il ne l'avait jamais revue. Maintenant, elle était certainement morte. Probablement tuée pour défendre ses traditions, ou tuée au travail dans une usine chinoise. Et si elle s'était enfuie, si elle s'était réfugiée en Suisse, en France ou aux Etats-Unis, elle avait probablement péri dans cette apocalypse.

Ruminant tout ça, Lobsang avait traversé le sas. Il s’arrêta au-dessus de sa toge pliée et se dit qu’elle pourrait servir de couverture, il fit mine de la mettre sous le bras, puis il se ravisa. Il décida de la laisser et même d’abandonner dans un recoin du couloir les trois tiges de fer qu’il avait déniché. Mais il récupéra tout de même la ceinture en cuir de sa toge et la mit parallèlement à la ceinture noire qui avait été gracieusement mise à sa disposition après la douche dans le sas de désinfection. Enfin, il glissa la clef pour roue à sa ceinture (ou plutôt à ses ceintures), ainsi que sa tringle à rideau et il retraversa le sas en sens inverse en redoutant que l'automatisation des machines lui fasse prendre une douche tout habillé.

Sujet Locké.

Ajout de 3 points d'XP pour Emiline et Lobsang.
Réévaluation de l'expérience de Lobsang (d'autres pourront suivre, je me penche sur la chose).