Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.



 
AccueilDernières imagesRechercherS'enregistrerConnexion
-21%
Le deal à ne pas rater :
LEGO® Icons 10329 Les Plantes Miniatures, Collection Botanique
39.59 € 49.99 €
Voir le deal

 

 "Que Sera Sera..."

Aller en bas 
3 participants
AuteurMessage
Louise Delombes
Bonne Soeur
Louise Delombes


Messages : 10
Date d'inscription : 12/12/2011
Localisation : Marchant entre les ruines - plus de précision est inutile.

Feuille de personnage
XP: 97

"Que Sera Sera..." Empty
MessageSujet: "Que Sera Sera..."   "Que Sera Sera..." I_icon_minitimeVen 9 Mar - 22:23

Retour à la rue, ses ruines, décombres, rats froussards et végétation apathique - encore. Louise eut une moue dépitée de devoir la regagner si tôt, et sans pouvoir se reposer autant qu'elle l'aurait voulu. Autant dire qu'il s'agissait de trouver, une fois de plus, un abri vivable... Soit protégé au strict minimum des potentielles intempéries extérieures - et regards non avertis -, et qui permette de ne pas s'y faire prendre sans porte de sortie. Le reste relevait presque du luxe. Elle eut un vague regret pour le refuge qu'elle devait abandonner, et songea au pauvre bougre en train de fouiller les lieux ; sûrement plus déçu qu'elle de cette situation (de ce qu'elle avait pu constater), de par ce qu'il y "découvrait" : pas de vivres, pas d'eau, et encore moins de trace d'arme potentielle. Ses dernières réserves de nourriture étaient épuisées, et elle avait consommé le peu d'eau qu'il lui restait en cours de route... sur laquelle elle n'avait d'ailleurs rien trouvé, afin de renflouer les stocks qu'elle avait amassé jusque là, dans l'un des appartement encore accessible du reste de bâtiment derrière elle - et qu'elle s'apprêtait à quitter. Changer de quartier semblait de mise, en tous points ; elle avait assez exploré celui-ci pour savoir qu'il n'y avait plus grand chose à en tirer (ou en tout cas pas selon ses forces). Et si, de surcroît, l'homme retournant "son" appartement avait l'intention d'y faire des excursions... Les bordées de jurons et coups rageurs - qu'elle avait pu percevoir à peine entrée dans le couloir - n'avaient pas été pour lui inspirer particulièrement confiance en la-dite personne. Des réactions un peu vives face à un lieu visiblement habité, mais dénué de toute chose qui puisse être dotée d'un caractère vital, étaient, au demeurant, assez compréhensibles - seuil nettement dépassé en l'occurrence, et l'envie ne la prenait guère de tenter d'entamer une conversation avec quelqu'un ne semblant présenter que de piètres dispositions à cela.
Un coup de vent balaya le pas de la porte, lui faisant plisser les yeux. Elle s'amusa un instant des frissonnements de feuillage alentours, tardant à méditer sur les directions s'offrant à elle - ce qui n'était, au final, pas bien nécessaire. Louise descendit le pallier et donna un léger coup de pied au premier caillou digne de ce nom qu'elle trouva au bas ; ce dernier roula peu, tressautant de ses irrégularités, son mat et presque dérangeant dans un tel silence - puis il s'arrêta net. Plutôt sur sa droite. C'en était fait, et sans avoir à s'attarder sur un choix stratégique. Il fallait bien trouver de quoi se désennuyer un peu ; et cette sorte de "lancé de dès" avait fini par être une sorte de jeu, pour chaque fois qu'elle devait choisir la route qu'elle allait emprunter. Direction Montmartre quoiqu'il en soit. C'était d'ailleurs bien le seul nom connu qui lui revint à l'esprit dans l'immédiat, quant à ce qu'elle n'avait pas encore été voir par là-bas. S'éloignant, elle accorda un mince sourire au parc Monceau et aux quelques moments de rêveries qu'elle s'était accordé là... et les laissa disparaître doucement, remplacés pour l'heure par un air sur lequel elle ne parvenait pas à remettre un nom. Une chanson en anglais... ou en espagnol ? Entendu il y a longtemps sûrement ; ce qui était assez facile à dire, au vu du fait que, ce qui relevait d'avant la catastrophe lui apparaissant souvent trop "lointain" ou étranger maintenant, pour qu'elle cherche vraiment à en retracer des lignes exactes. L'impression n'était d'ailleurs pas pour lui déplaire, et elle joua avec l'idée d'un passé rêvé, flou, fantôme insidieux - et spectre farouche au besoin. Ne prêtant guère d'attention soutenue à ce qui l'entourait, elle marchait d'un pas souple et alerte, fredonnant à peine. Il serait assez tôt temps de s'interroger sur ce qui pourrait venir, et de s'en inquiéter ; c'est-à-dire une fois qu'elle serait arrivée en bordure de l'aire qu'elle avait fréquentée jusque là. Et après... Les paroles du refrain dont elle écorchait l'air depuis tout à l'heure lui revinrent soudain ; elles étaient assez appropriées pour lui arracher un sourire, et elle repartit en chantonnant tout bas, noyant ses souvenirs entre les mosaïques de soleil sur les pavés.

"Que Sera Sera
Whatever will be will be
The future's not ours to see
Que Sera Sera
What will be will be"


Dernière édition par Louise Delombes le Ven 9 Aoû - 22:03, édité 2 fois
Revenir en haut Aller en bas
Eliakim Platoon
Shakespeare in Love
Eliakim Platoon


Messages : 14
Date d'inscription : 08/06/2011

Feuille de personnage
XP: 360

"Que Sera Sera..." Empty
MessageSujet: Re: "Que Sera Sera..."   "Que Sera Sera..." I_icon_minitimeVen 9 Mar - 23:26

Syphilitiques, fous, rois, pantins, ventriloques,
Qu'est-ce que ça peut faire à la putain Paris,
Vos âmes et vos corps, vos poisons et vos loques ?
Elle se secouera de vous, hargneux pourris !






Les vers bondissaient comme des soldats de feu jetés dans la mitraille tirée par l'horizon. Verbe éblouissant et conclusion en peloton d'exécution. En pleine lumière. Ces vers, ces vers de progrès, ils auraient pu agir dans l'air comme un hymne destiné à sa gloire et à son autorité. Prétendue. Prise. Accaparée. Autant de fois bafouée que répétée à coups de délires tant physiques qu'intellectuels, partagés ou intérieurement incendiés dans le grand brasier silencieux qui illuminait ses yeux. Ils paraissaient toujours suer, dans ces moments-là. L'eau qui coule de leurs coins, la goutte chaude, flamme de feu, qui pend sur le bout des cils, pour se laisser chuter lorsque les paupières se ferment un instant fugace. Transpirer par tout son corps, sentir la fièvre tremper le vêtement crasseux et déchiré, la vouloir contre soi, pour éviter, un soir, d'avoir l'estomac noué et l'esprit traversé par le blizzard parce que la pensée de la mort venait à pas de loup dans la nuit. Hurlement sinistre, mais la meute ne réagit pas. Plus rien ne réagit sinon cette fièvre infernale qui ronge l'anxiété comme un rat - celui qui sort voir ce qu'il se passe du côté de l'humanité. Par les égouts, le museau dans la flotte puante.



Les vers ont arrêté de sautiller. Platoon émergea des gouffres de lui-même en ouvrant ses mirettes enflammées de folie. Il mit du temps à se souvenir qu'il était encore en vie, à sentir tout son corps encore en train de fonctionner. Belle machine de l'enfer, une véritable forge où l'on tapait sur l'homme pour en faire un démon - et faut taper sur l'homme tant qu'il est chaud. Rappel du trajet à moto, depuis la Nef des Fous, le chœur des Anges aux crocs en sang. Reste à savoir s'il fait l'organiste qui l'accompagne ou le prêtre qui s'occupe des virilités juvéniles dans les confessionnaux. Il irait bien taper jusqu'au fond de la sacristie, si ses gamins se montrent mauvais élève. Valcourt le premier. Ensuite, Donovan. Platoon prendrait plaisir à le voir écorché vif, il pourrait lui montrer - enfin ! - ses muscles imposants à la lumière du jour. Coup de langue vive, et tournant à quelques millions de degrés dans la grande mécanique incontrôlable du leader des Night Wolves.



La petite se déplaçait de ruines en ruines, comme un félin habitué aux acrobaties. Frêle et agile, Abby-Gabrielle Mac Olga se déplaçait mieux que n'importe qui chez les Night Wolves, et surtout plus vite que les tas de muscles qui accompagnaient Platoon. Il l'attendait, au deuxième étage d'un immeuble dont la façade avait été explosée. Ne restait qu'un semblant d'escalier, et quelques pans de son mur pour sauver ce qui restait des meubles. La gamine arrivait du sud, avec sa troupe entièrement vêtue de gris, pour se fondre dans le décor. Elle avançait en première ligne, l'air farouche et déterminée, comme si elle était en colère. État habituel. Platoon sourit. Si la gosse tirait la tronche, c'est que tout se passait bien. Il aurait le droit à une engueulade digne de sa taille de guêpe - mais elle avait deux jours de retard sur ce qui avait été prévu, et il ne laissait pas ses leaders en vadrouille libre dans les ruines. Puis, le camp n'était pas loin, et il faisait ce qu'il voulait. Fin du chapitre.



Ploum ploum...tiens, surprise de taille. Comme au théâtre, et il était aux balcons, quand on devine ce qu'il va se passer à la scène suivante en voyant les préparatifs effrénés dans les coulisses de la scène. Ça commença par un guet qui le regarda fixement, interloqué. Un bourdonnement arriva juste à ce moment là, appelant son esprit délirant à d'autres réalités déstructurées jusqu'au non-sens et la mort de la réalité. Haute aspiration. Résistant à la tornade qui naîssait en lui, Platoon vit les lèvres de son gars lui dire "Imperator". Sourire immense s'étalant sur sa face ; ses mains lâchèrent leurs barreaux de raison et il plongea en lui-même, de nouveau.



Une silhouette approchait vers eux. Une jeune femme, voire jeune fille. Elle marchait d'un pas tranquille, sans se soucier de la trentaine de Night Wolves dont elle allait bientôt s'entourer. Dix au sud, la vingtaine éparpillée tout autour du bâtiment à la façade défoncée. Les seconds chargèrent leurs fusils d'assaut et leurs pistolets. Abby-Gabrielle, voyant la panique, arrêta sa troupe dans la ruelle dans laquelle ils étaient, et ils disparurent tous sous des portes cochères. Les loups étaient tous devenus invisibles. La meute était prête à bondir, au seul signal du chef.



S'allumant une cigarette en parlant tout seul, Eliakim Platoon descendait les escaliers. Le pas tranquille - pour lui - allait de droite à gauche, alors qu'il avait la tête levée vers le ciel, et ballotant de droite à gauche. Sorte de préparation pour l'entrée en scène. Le petit truc du comédien pour décompresser, ou pour se préparer à ce qui va suivre. Il se cogna contre les murs et commença à pousser des cris d'enragé en arrivant tout en bas. Sortant en courant, il tomba sur les genoux, en plein milieu de la rue. La tête prise par ses doigts agrippant sa peau, il poussa de cris digne d'un torturé. Puis, relevant soudainement la tête, il éclata d'un rire qui lui cisailla la gorge. Digne des grandes heures de Dewaere. D'un coup d’œil rapide, il vérifia que tous ses hommes étaient invisibles. Perfecto. Que la comédie commence !




- On est suivi par les flics, mecs ! Les flics ! Ils ont organisation entière, le genre de boîte qui appelle Dieu en téléphone rouge ! Ouais, mec, ouais ! Faut se tirer d'ce bayou avant qu'ils viennent nous mettre la pile à l'envers...On est fait comme des rats ! Des putains de rats de labo ! Y'a un grand mec, là-haut, qui a tout fait sauter, et qui veut voir comment les rats survivent à son merdier volontaire ! Il envoie ses flics pour nous traquer, parce qu'on en sait trop, mec ! Ouais, on en sait trop ! Ouais !



Il pourrait recevoir un trophée pour ça. Le prix Antonin Artaud. Ses yeux flamboyaient et suaient à torrents, tant et tant qu'on croirait qu'il pleurait. A genoux, relevant la tête, la jeune fille venant vers lui pouvaitt apercevoir, déjà, son visage.
Et lui de répéter "on en sait trop ! on en sait trop !" à force de rires démentiels.




Revenir en haut Aller en bas
Louise Delombes
Bonne Soeur
Louise Delombes


Messages : 10
Date d'inscription : 12/12/2011
Localisation : Marchant entre les ruines - plus de précision est inutile.

Feuille de personnage
XP: 97

"Que Sera Sera..." Empty
MessageSujet: Re: "Que Sera Sera..."   "Que Sera Sera..." I_icon_minitimeLun 19 Mar - 19:51

Un but, ce ne serait pas mal. Une visée, encore mieux. L'objectif, pour mieux voir. La perspective pour parachever. Tout le reste à contempler, oublier de se souvenir. Disparition en filigrane, et personne à miner d'être. Plus tard, n'importe quel "quand" qui ne soit pas celui-ci... et se contenter encore un peu de chercher à ne pas laisser sa peau d'une manière ou d'une autre, et de pouvoir de temps en temps regarder ailleurs.
Pour le moment, le ciel se tait ; rien qui annoncerait une intempérie, des rasades d'eau grisée coulant Paris en de nouvelles ruines. Le ciel bleu jusqu'à trop lumineux pour n'être plus vu. Ce qui a au final quelque chose d'assez ennuyeux, et le seul dernier "intérêt" étant d'en retirer des taches fuyantes partout où se poserait le regard. Donc, pour le moment...

Bousculant son attention, une sorte de cri un peu assourdi se fit brusquement entendre. Un instant décontenancée, Louise ramena prestement son intérêt à ce qui l'entourait au plus près... constatant ainsi, à son grand désarroi, qu'elle n'identifiait aucune des façades proches. Il n'y avait rien d'autre à en tirer que le fait, qu'une fois de plus, se croyant encore dans le secteur qu'elle connaissait, elle n'avait pas prêté assez garde à là où elle se trouvait vraiment, avançant plus au gré des idées lui traversant la tête que selon là où elle se voulait rendre... Ce qui était certes, dans le cas présent, le motif de sa "sortie" - sauf que celle-ci avait bien trop pris des airs de balade pour être tout à fait raisonnable.
Légèrement consternée, elle retint un soupir et jeta un regard circulaire sur les lieux. Elle eut à peine le temps d'essayer de situer où elle se pouvait trouver approximativement et, a fortiori, de tenter de déterminer la source du "cri", qu'aussitôt elle fut amenée à ne plus se pencher que sur le second point. Comme recraché par les ruines, un homme jaillit d'un des immeubles devant elle, aux hurlements tranchant la rue, et qui finit sa course effrénée en s'effondrant à genoux - sur son passage. Fait notable, autant par les circonstances que parce que c'était la deuxième personne (ou ce qui en avait toutes les apparences) qu'elle "rencontrait" en un jour ; compensation indubitable, après des semaines passées à ne croiser que sa propre ombre. Arrivée fracassante et sans annonce (pour ses tympans au moins) : on n'aurait pas mieux préparé une surprise. L'envergure serait superflue, entacherait le cadre ; pas besoin de Cerbère grondant jaillissant d'un nid de flammes pourpres et or, bavant du corrosif à en perdre ses canines, ou d'effets de fumée à suffoquer de pleurs. L'évènement, c'était l'humain, enfin. Ménageant son ravissement, voire le gâchant tout à fait, les automatismes revinrent : défiance de l'autre, ne pas s'approcher, estimer les possibilités de fuite si le rapport de force était trop désavantageux, et si les choses semblaient en venir là, rester stoïque pour éviter les interprétations de provocation... Cortège malheureusement nécessaire... encombrant. Le rire de l'homme face à elle claqua, rayant assez ces pensées-là pour enfin faire place à de l'étonnement... qui tourna en une perplexité de plus en plus amusée lorsqu'il se mit à parler. Certes, ses propos pouvaient être pris comme une farandole de fariboles d'une sorte de délire plus ou moins parano, mais elle ne put s'empêcher de les suivre jusqu'à s'imaginer Paris en labyrinthe de labo à rats. Reprise de la comédie humaine. Entracte en écroulements pour assurer le spectacle, silence de circonstance parce qu'on se tient bien, en-cas aux brûlures, viscères, rigoles de sang et autres joyeusetés pour caler l'appétit qui gronde ; et quant à ceux ayant tout recraché, ou envoyés ad patres d'une manière ou d'une autre, ou tombés sur un os et ne s'en étant pas relevés... Léger écrémage - on respire enfin d'avoir tant d'espace sans la moindre place au carcan conformiste. Et le rideau se lève, plus rouge qu'auparavant parce qu'on le sait éclaboussé ou qu'on le croit tel sous la crasse cendrée, les fils d'or partis en charpie. Etrangement, l'on y voit mieux aussi, ce qui n'a d'avantage que ce que l'on en tire.
Fin de la tirade de son "interlocuteur" - qu'elle commençait d'ailleurs à distinguer un peu mieux, assez pour pouvoir presque détailler ses traits. Apparemment assez bien bâti, sûrement plus grand qu'elle, d'une tenue pas forcément très soignée autant qu'elle pouvait en juger... Et même à cette distance, son visage attira son attention, des traits s'en détachant, tiraillés par son rire, aux yeux comme noyés, mais brillants et fixes au travers... Sans réfléchir, ou trop intriguée encore pour s’appesantir à un grand luxe de précautions, elle avança de quelques pas, jusqu'à se trouver à près de quatre mètres... puis s'arrêta net, saisie de scrupules. Allons allons... hors de question d'ignorer le personnage (dédaigner de l'humain, quelle idée...) ; mais trop s'approcher n'était pas forcément indiqué dans le manuel de survie - voire carrément déconseillé dès la préface, à vérifier... De toute manière, si l'homme en face d'elle se révélait avoir des intentions ne suivant pas son intérêt personnel, et n'être que peu prédisposé à négocier quoique ce fut, ne resterait plus qu'à lancer les paris sur ses chances de fuite, l'armement faisant défaut. A priori, pour le moment, les intentions su-dites relevaient du néant, alors pourquoi filer ? Inutile de voir des loups à tous les coins de rue - et s'il s'en trouvait, il n'y avait guère à se poser de questions... Toutes considérations prises, Louise préféra s'en tenir à une distance respectable, retenant finalement un geste d'invite qu'elle remplaça par un sourire se voulait engageant, et se décida à prendre la parole, toutes autres mesures de prudence jetées aux oubliettes :

- Je ne dois pas en savoir assez en ce cas. D'ailleurs, quels sont les risques ? De traque, je n'ai connu que les courants d'air. A croire que l'ignorance ne préserve que l'apparence d'une tête - et pour ce qui y passe, ça n'importe guère aux autres, si on en croise.

Louise se tut, ne cherchant pas vraiment à reprendre ce que disait son potentiel interlocuteur ; s'il pouvait être compris, ce n'était pas son affaire, elle n'y avait cherché que des images pour égayer son temps perdu. Mais déjà ses pensées s'étaient raccrochées à un lambeau d'air qui s'effilochait. Dommage qu'il soit devenu si difficile de garder trace des musiques créées jusque lors ; il n'y avait plus de permis que de jouer, la conservation étant passée de mode. En un sens, la mort servait de repère, en matière d'intangibilité. Longue vie à la mortalité, tant que l'on n'était pas redevable de celle-ci.







[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]


Dernière édition par Louise Delombes le Sam 21 Avr - 12:19, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Eliakim Platoon
Shakespeare in Love
Eliakim Platoon


Messages : 14
Date d'inscription : 08/06/2011

Feuille de personnage
XP: 360

"Que Sera Sera..." Empty
MessageSujet: Re: "Que Sera Sera..."   "Que Sera Sera..." I_icon_minitimeMar 20 Mar - 11:57

Quand la folie vous gagne, m'sieurs dames, c'est comme un venin qui se répand doucement de son pas tranquille dans les veines ; elle prend son temps, gangrène l'esprit jusqu'à nécroser tout bon sens. Le monde se renverse, bascule dans l'envers de la table en verre, et on sent l'inversion du monde picoter la chair, des frissons de douleurs qui font suer de nouveaux rires déments. Preuve à l'appui avec le témoin du jour, perdu en plein no man's land. A quelques entrechats de sauter sur une mine, pour finir dans un grand ballet inhumain. Mystère dans la chorégraphie du corps explosé, des membres envolés, tranchés net selon une façon indéfinie, aléatoire ; définitive. Fascination dans le découpage, à tel point que l'homme fasciné tend toujours à poser le pied sur l'engin, à le titiller de la pointe de ses orteils, et de sourire, éperdument joueur, pour sentir l'instant où la pression signera sa fin. Inversion, picotements, frissons d'orgasme quand la pulsion de mort devient la pulsion de vie. L'envers du décor de théâtre apparaît plus clair, et difforme, déformé, comme si un œil avait bu une boisson psychédélique. Une larme d'alcool d'irréel aurait remonté de la bouche vers le nez, jusqu'au coin de l’œil, pour se loger dans la rétine, et déloger la perception trop sage. Alors, les pierres s'allongent, grossissent et forment un lac de ruines, qui aspirent en succions métalliques la vie humaine, et qui rotent en un gros rire gras. La ville n'est pas votre amie, mes amis, la ville est un estomac sans faim qui vous bouffera le jour où le hasard décidera que c'est à votre tour de rejoindre les ancêtres. Et de participer à l'Histoire, acteurs, décors, planches et metteurs en scène. Pris bon gré mal gré dans le grand théâtre de l'absurde. Pris à l'envers, de l'autre côté de son miroir, un œil baignant dans la perception droguée, l'autre s'accrochant, la rétine aux branches du réel. Roulements entre les deux. Projecteurs entre les actes, alexandrins qui vadrouillent sur la pupille, et l'on jurerait à la couleur. Œil blanc, vestige d'un nuage oublié dans l'humeur vitrée. Brume brume brume, brume toujours, et l'esprit court. D'un coup, les pensées en réveil. Sonneries de l'ancien temps, ou plutôt du premier temps, l'original, la vraie fantaisie, surannée, oubliée - Histoire, Théâtre, Double. Retour du trophée Artaud. Coups de langues répétés contre le palais. Sonnerie encore, qui annonce quoi ? Pensée, pensée, charmante pensée, veux-tu être coucou ? Veux-tu, veux-tu m'avertir ? Pourquoi cette sonnerie ? Tu le sais, pourtant, les pierres des ruines nous avaleront nous aussi, pensée ô pensée, nous serons bientôt mangés, nous qui rôtissons de jour en jour, jusqu'à avoir la peau ridée. Comme un marron glacé, et le nappage glacé de la mort léché à qui mieux mieux par l'Histoire. Entrons ! Mais ! Mais ! Pourquoi diable cette sonnerie ? Ouvre les yeux, automate pensant, ouvre ouvre donc tes deux paupières lourdes et ose retourner dans la gigantesque marmite pleine de bouillon. Fume fume fume, tu exhales encore la vie. Encore.

Eliakim Platoon, comédien à temps plein, pour servir la veuve et ceux qui attendent Godot. Tout cela pour le plaisir du grand vide qui saisit celui qui se réveille nauséeux. A la tienne, ma mie, et que vive la Grande Mare aux gouttes de pierre. En délirant, le Loup Dément s'approcha de la jeune femme qui le dévisageait. Il marchait comme un ivrogne en fin de course, quand le corps crie sa douleur dans la noyade la plus volontaire. A ce moment où la noyade passe du liquide au cognitif volage. Les mains jouaient du Chopin sur l'air, car le piano volant se faisaitt la malle en gémissant. Déteste les coups de soleil, et les doigts tapaient sur les rougeurs. Touches écarlates, qui, suivant le rythme liquide du réel, s'écoulent en rivières de sang bleu dans la rue. Et cette femme qui ne réagit pas au drame qui se jouait. Tragédie ! Tragédie ! Le monde saigne en sons plaintifs, et les gens marchent dans la rue ! Ô pauvre monde ! Ô mon monde ! Les notes fusaient sous les coups de langue et les entrechats de l'être faux, sous les pas de danses transcendantes du réel du vieux Platoon, envenimé de folie par tous les pores de son être. Renaissance dans l'oubli, quand la crédibilité s'appuie sur l'innocence. La tête tourne, remue en s'abaissant, de droite à gauche. Rythme de chanson dans les caves. Douce et terrible, enveloppée dans un linceul de vie, frémissant à chaque note emplissant l'espace empierré, espace fermé, à jamais. Les notes se répercutèrent jusqu'à l'infini, et forment des formes colorées, s'enlaçant dans une valse impudique, sexuelle, pour déformer à leur tour le réel déjà déformé. Torsion du monde, les sons démembrés, sautillant sur une mine ; entrechats de plaisir, qui forme une nouvelle couleur, un nouveau carmin. Plaisir et déplaisir, conscience au bord du gouffre, et lèvres et langues proches de sombrer dans une chevauchée paroxysmique. Tremblements des plaques, et c'est tout un corps qui mugit de vivre dans le plaisir de la souffrance.








- Ne le voyez-vous pas ? Ne le voyez-vous pas ? On est au milieu du Cirque ! On est les clowns ! On amuse des enfants qui rient de nos gags ! Notre maquillage effrayant n'effraye plus personne, et on essaye de faire rire en jouant aux idiots. Oubli total dans le spectacle. Ou alors, est-ce que c'est nous-même qui essayons de nous effrayer, de nous faire rire. D'oublier ! Voilà que nous sommes sous un chapiteau monté par nos propres bras. Mais alors ! Pourquoi est-ce que les enfants rient ?



Un raclement de mains passa sur le crâne. Platoon lèva les yeux au ciel et hurla. Il ne pensait plus au danger éventuel, à chaque coin de rue. Si l'anarchie voudrait le tuer, il faudra qu'elle bouscule le hasard. Rien n'est dû au hasard, quand la pensée vadrouille comme elle veut dans les recoins syphilitiques de l'esprit. A qui parlait-t-il, au juste ? Une femme, oui, il s'agit d'une femme. Je crois. Il croit. Nous le savons. Une femme. Jeune. Semble perdue, comme tout le monde ici. Pitié, compassion, rire, donuts. Les doigts jouent toujours sur le piano sanguinolent, les yeux roulent encore entre les deux côtés du miroir, et voient le double et l'original s'inverser, à moins que ni le double ni l'original ne voient, eux, les deux côtés. Ignorance dans les entrechats. Tout près de la mine. Ballet d'un fou furieux.
Le venin fait complètement effet. Sortant un pistolet, Platoon exulta en rires démentiels. Attention ! Le vynil touche à sa fin, l'éclair magique qui touche la crêpe noire se déplacera de plus en plus vite, et se rapprochera du gouffre explosif. Le flingue, pour l'originalité. Les copains, là-haut, étaient des exigeants. Variations dans la pièce, improvisation. Le mieux, c'est quand l'improvisation est prévue de bout en bout par le metteur en scène, et que personne ne le remarque. Maquillage, gags : le clown réussit ce pour quoi il se maquille. Là, on toucherait presque à l'effroi. Autre manière, avec le canon du flingue pointé sur la jeune femme. Gag, bien sûr, à moins que la mine soit prête à sauter. Attention aux éclats de rêves, ces trucs-là vous bouffent l'esprit et vous finissez avec une bouteille de gnôle pour soulager votre douleur inexpugnable.


Claquement de langues. Doigts sur le piano volant. Cheveux hérissés et yeux larmoyant un nouveau carmin. Le gag était en place, le canon aussi - droit sur le cœur, loin de l'âme du clown.



- Ma chère, nous voilà en augustes arlequins. La question est de savoir ce qu'il sortira de ce jouet...de l'eau ? des fleurs ? Un panneau marqué d'un "pan !" ? Ou alors, plus tristement, une balle ? Un rêve ? Vous-même, peut-être ? Ma volonté ? L'avenir ? La mort ? L'espoir ? Faites votre choix, et quand vous aurez choisi...




Le canon changea de direction, et se retrouva copain comme cochon avec la tempe de son commandant. Ironie du sort, imprévu, clou du spectacle. Ou clou dedans le spectacle, quand l'acteur faisaitt office d'animation. Simple procédé de scène ? Les enfants, sur les gradins en ruines, contemplent ça en étant vraiment effrayé, mais non sans ressentir une pointe de plaisir, de vrai plaisir de voir un adulte sans sérieux pour la vie. Non plus pour autrui, mais pour lui-même. Le clown ultime, aux gags délicieusement fous à nier. La mine se trouve frôlée, le ballet valse dans un final qui arrive en notes triomphantes. Le sang remontait vers le piano, et les notes se font plus rapides, plus succinctes, pour former des pointes solides de ce nouveau carmin. Éclats de rire sonores, et la mine se tend, prête à exploser.




- Je leur dirai que ce n'était pas de leur faute, pas de leur faute. A personne ! Ce n'était rien que l'anarchie, les prémices ! Les voitures affolées, renversant les vies, et les humains pris dans l'enfer de la panique générale ! Je leur dirai ! Je leur dirai, enfin ! C'était rien que l'anarchie, le plaisir de la souffrance !




Même l'arme, lovée contre sa tête, semblait sourire de tristesse. Je regrette, je regrette...mais j'adore ça...Eliakim Platoon se mit à chantonner en carmin mineur.
Revenir en haut Aller en bas
Louise Delombes
Bonne Soeur
Louise Delombes


Messages : 10
Date d'inscription : 12/12/2011
Localisation : Marchant entre les ruines - plus de précision est inutile.

Feuille de personnage
XP: 97

"Que Sera Sera..." Empty
MessageSujet: Re: "Que Sera Sera..."   "Que Sera Sera..." I_icon_minitimeMer 18 Avr - 14:57

Pour changer de ton, il n'y a qu'à jouer, au vide, pour soi - au moins. Les autres... pas toujours au rendez-vous. C'est-à-dire que personne n'en a jamais fixé le cadre, les rencontres ont plus de valeur. Ne jamais bien savoir, au final, s'il l'on avait été seul, ou non, puisque tout l'attirail de la bonne entente n'avait peut-être été qu'un masque. Et encore... pour peu qu'on soit seulement sincère avec soi-même. Masque sur masque, grimage abusif, identité de pacotille - mais, bah, ce n'est jamais rien que nous, puisqu'il faut bien que quelque chose nous "appartienne" et transparaisse, puisqu'il faut bien "être à" quelque chose. On n'a jamais à se plaindre que de ce qu'on est, cet être au travers des yeux des autres, l'âme perdue entre deux eaux et les iris explosées d'un macchabée qui nous fixe étrangement. Marchez sur le fil, regardez bien droit devant, jamais en contrebas, à ne même pas savoir ce que vous pourriez ou non risquer à ne pas être raidi avant l'heure, alors qu'il ne manque que le linceul. Et faudrait pas se rendre compte que le précaire manque d'envers. Soyez "comme il faut" ! et vivez - point. Vous ne sauriez même pas en dire le comment. Il ne faut pas, il ne faut pas... il ne faut pas tenter l'ivresse, celle du tête à conscience solitaire, et voir le monde au travers.
Tiens, où en est-il, d'ailleurs, ce monde ? Tourne-t-il encore ? Par le même sens ? En tout bon sens ? L'humanité, on y songera plus tard.
Et où en est-il, celui qui a coupé sa route ? Il marche, comme ivre vers... elle. Ah tiens, est-il à déduire qu'elle aurait toqué assez à sa perception pour que cela prenne allure d'un dialogue ? Drôle d'air qui ne le quitte pas, les mirettes en miettes et comme brûlantes, un truc en tête, ses coulisses, les mains parcourant l'air comme un piano sur mer, divaguant autant que lui. Louise tiqua en le voyant arriver ainsi, l'observant mieux maintenant au fur et à mesure que ses traits se détaillaient par proximité, se demandant ce qu'il allait bien pouvoir dire cette fois, et s'il lui parlerait vraiment à elle - ou encore à la rue, en l'incluant tout au plus. Entrée en scène des restes échevelés de mère prudence, brandissant haut le poing et crevant le silence de ses sentences. Peut-être qu'elle devrait se méfier, peut-être qu'elle devrait reculer, peut-être qu'elle devrait regretter de n'avoir pas "passé son chemin", peut-être que... peut-être qu'il n'y a pas pire bagatelle que d'amonceler jusqu'à ne plus penser, alors qu'il n'y a ni n'y avait d'autre chemin qui lui sembla plus intéressant ou valable dans l'immédiat. On ne refait pas l'advenu à coup de présent ignoré. Et le futur... rien de prévisible, et le probable empêcherait de faire un pas. Spectateurs, vous pouvez commencer à enfler vos mises, quel qu'en soit le parti.

- Ne le voyez-vous pas ? Ne le voyez-vous pas ? On est au milieu du Cirque ! On est les clowns ! On amuse des enfants qui rient de nos gags ! Notre maquillage effrayant n'effraye plus personne, et on essaye de faire rire en jouant aux idiots. Oubli total dans le spectacle. Ou alors, est-ce que c'est nous-même qui essayons de nous effrayer, de nous faire rire. D'oublier ! Voilà que nous sommes sous un chapiteau monté par nos propres bras. Mais alors ! Pourquoi est-ce que les enfants rient ?

Il cause - est-ce possible ? - hors de toute convention établie. Ah, mais... on ne l'oublie que trop... on a mis à bas tout semblant de "socle commun", fort récemment. Dialogue de sourds ? Voire pas de dialogue, soit des paroles ; il n'a pas l'air d'attendre de réponse de sa part, pas encore. Alors, mais alors... pourquoi ? Question sans intérêt. Autant chercher ces enfants, la mascarade qui se joue pour eux. Les secousses du grand chapiteau, houlé de rire, c'est peut-être ce qui peut plus nous effrayer que nous-même, alors que les masques tombent et s'enchaînent, nous traînant sur la piste, le visage déformé de couleurs qui n'atteignent pas les autres. Le chapiteau, ce n'est que notre faute si l'on s'y trouve, et quelque soit le spectacle que l'on y veuille tenir. Et s'oublier... rien que les rires et l'effroi pour y parvenir ? Ne le voit-il pas, lui, le grand charnier poissant de cendre engluée par les pleurs de cet irréel ? Et qui ne fait au fond que mieux mettre en évidence, cette bonne amie de méfiance, la peur de l'idée de l'autre, escortée de ses frayeurs et abominations diverses hurlant leur ignominie - le mal est évident, on l'a toujours dit, puisque "tout est dans la tête". Il faut bien garder là une scène libre pour que s'y puisse tenir les représentations de la comédie humaine. Ou alors, il y a toujours le choix de la guillotine, et en ce cas ne reste qu'à renoncer à toute moindre faribole tirée du grand chapeau magique et...

Ah, non, apparition de la pure mécanique, hors des rouages grinçant de ces repères à la dérive entre deux grains de sable - censés constituer ce que l' "on" appelait encore, il y a peu... tant pis, tout à l'oubli, le dernier instant n'étant jamais que le seul tangible. Cible au coeur, loin du grand spectacle, des éclaboussures de bave rosée, dernière pluie de rêves qu'on ne reconnaît plus. Mécanique à mécanique, briser les fils du rythme involontaire, ne le donnant que trop, jamais à sa place, aux rues grouillantes et malsaines - ciel rougi, plus liquide qu'un crépuscule noyé et aussi claquant qu'un battement de paupière. Logeant les coups, toutes les meurtrissures, creusé à force d'encaisser et gondolé de ne rien retenir. Sauf que tout de même... Il s'agit là de mort, d'une grande faucheuse se faisant discrète, ne s'étant autorisé d'un peu réconfortant pour rester dans son rôle sans intention qu'une sorte d'apparent grandiloquent au rire laminé, jouant sa folie en toutes notes imbibées de coulées timbrées d'air en fuite. Couleur en coulisse, la pierre pour tout décor, sobriété, sans choeur, sans éclat, épure de gravure. Ou alors il n'y a plus de temps, jusqu'à ce que sa vie défile devant ses yeux, sous son ombre ou un autre miroir, comme dans un mauvais film. Et si rien n'apparaît pour vernir le noir de ce qui la tient en joue, c'est qu'elle n'en aurait pas eu ? Pas de grande manifestation rédhibitoire, donc apparemment non. Il manquera juste la fin du spectacle - le sien de surcroît. Ne reste qu'à chercher le "truc" qui pourrait contourner ce mauvais tour parce que vraiment, non... on s'amuse trop pour seulement vouloir croire à mourir, sincèrement. Ce qui vaut d'ailleurs mieux si l'on ne tient pas à refermer son propre cercueil - laisser une déchirure et regarder encore.

En attendant... Une pincée de pragmatisme ? Ou quelque chose de ce genre. Le "vieux truc" justement, la valeur sûre, ce qui ne marche pas à tous les coups mais rassure, rien que pour se dire que la chute ne vient pas de nous a posteriori - si on nous en laisse un. Bref, on s'en passera dans le cas présent. Juste choisir une réaction plutôt qu'une réponse. Haussement de sourcil pour faire bonne mine... enfin, une mine, n'importe laquelle. Pas d'ouverture laissée par le bonhomme, pas de devinette laissée pour indiquer la porte de sortie, alors autant suivre comme si on ne faisait qu'assister, ne tenir qu'une part du rôle puisqu'il ne demande pas grand chose. Les coups d'aiguilles grappillées, le fameux sursis... comment prend-on l'air terrifié nuancé d'incompréhension déjà ? Trop compliqué... On va en rester au simple "interdit", tendance ennui - traduit par une moue pincée, Louise fixant autant l'embout du pistolet que les pupilles de son potentiel... assassin ? Même chose, trou noir. Est-ce donc que la mort est une fenêtre de l'âme ou que les yeux ne refléteront jamais rien que la mortalité ?

- Ma chère, nous voilà en augustes arlequins. La question est de savoir ce qu'il sortira de ce jouet...de l'eau ? des fleurs ? Un panneau marqué d'un "pan !" ? Ou alors, plus tristement, une balle ? Un rêve ? Vous-même, peut-être ? Ma volonté ? L'avenir ? La mort ? L'espoir ? Faites votre choix, et quand vous aurez choisi...

Ballet des grands mots et... retournement. Louise eut un infime froncement de sourcil en s’apercevant que, pour lui, il visait à la tête, privilégié. De quoi extirper le mal, directement à la racine, en long filaments brunâtres ou n'importe quoi d'autre, avec des fumées comme des fantômes de tout ce qui tordait les mondes, l'imagination en prime - cette chose qui dévorait presque plus sûrement que le tangible si on mélangeait tout jusqu'à la boue. Sort qu'il dispensait à autrui, apparemment. Mais vraiment, à force, elle n'y croyait plus bien à la mort prochaine. Ou n'y avait jamais cru... depuis... un instant qui ne comptait pas. Le déluge après tous, à tout moment, à chaque cliquetis et tour de clef, à toute impasse ou tout pas. Tout ce qui fuit derrière, on le fuit, qui finit en capharnaüm de couleurs délavées et asphyxiantes, en grondement sourd, torrent charriant vos morts, vos vieux squelettes et décomposés divers, le moindre débris... Pareil au dehors qu'au dedans, que voulez-vous. Et puis après, vous savez, le coup de l'éternel recommencement ? Ce qui n'était l'affaire de personne par ici.

- Je leur dirai que ce n'était pas de leur faute, pas de leur faute. A personne ! Ce n'était rien que l'anarchie, les prémices ! Les voitures affolées, renversant les vies, et les humains pris dans l'enfer de la panique générale ! Je leur dirai ! Je leur dirai, enfin ! C'était rien que l'anarchie, le plaisir de la souffrance !

Ah mince... Il voulait vraiment larguer son monde celui-là ? Drôle de jeu. Pas bête, pour mettre la "survie" entre parenthèses. Se flinguer ? Lui ? Et après ? Il pouvait bien retourner le retournement et ainsi de suite. Une vraie crêpe, tachée comme un champ d'obus, et le même goût entre l'amertume et le malaise... avalé à ses dépends bien sûr. Et toujours pas d'horizon, de l'incertitude sûre et certaine.
Louise inclina la tête, pinça les lèvres pour retenir un sourire. Speech au passé passant et roulez les gens, gueule ouverte pour vos dernières miettes puisque sans conviction. La croyance en coquille de noix, mais vous coulerez bien, vous verrez...
Elle se permit de quitter un instant son délirant des yeux, avisant à ses pieds un caillou à peu près ovoïde. Sourire qui s'étire tant qu'elle s'oublie, se penchant vivement pour se saisir de la chose. Non, on ne rit pas de soi... Cela c'est pour le public - réservé, donc, voyez-vous. "Chacun sa place", les "augustes arlequins" (puisqu'il les disait ainsi) faisant fête pour... un peu de néant en plus, ratiocinant sur les bords.
Louise renversa un peu la tête - un coup au ciel ; retour à ses compagnons de fortune : cailloux et fou (quelqu'un en somme, ça ne changeait rien). On fixe ce dernier, en pleine pause dernière, der des der et puis après on arrête tout et on ne recommence plus promis jamais plus comme toujours. Personne en faute et tous coupables, de quoi se renvoyer la balle ad eternam. Raclement de gorge pour faire bon chic-genre, sans quitter ce qui semble être en face ; et on sourit, c'est la règle en scène ; enfin causerie d'un ton posé puisqu'on a "toute la vie devant soi" :

- "Être ou ne pas être, là est la question. Est-il plus noble en l'esprit de souffrir la fronde et les traits de l'outrageuse fortune, ou de prendre les armes contre un océan de tourments, et en les affrontant d'y mettre fin ? Mourir, dormir, rien de plus ; et par un sommeil dire que nous en finissons avec la douleur du coeur et les mille maux dont hérite la chair ; c'est une consommation digne d'être souhaitée avec ferveur. Mourir, dormir, dormir, peut-être rêver. Ah ! c'est là l'obstacle, car dans ce sommeil de la mort les rêves qui peuvent surgir, quand nous sommes éclipsés de ce tumulte de mortel, doivent nous arrêter. C'est là la considération qui donne au malheur une si longue vie. Ainsi la conscience fait de nous tous des lâches, et la couleur innée de la résolution blêmit sous le pâle reflet de la pensée." - Keep dying dear... as everybody, though. Rien d'exceptionnel, quelqu'en soit le geste.

















[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Revenir en haut Aller en bas
Eliakim Platoon
Shakespeare in Love
Eliakim Platoon


Messages : 14
Date d'inscription : 08/06/2011

Feuille de personnage
XP: 360

"Que Sera Sera..." Empty
MessageSujet: Re: "Que Sera Sera..."   "Que Sera Sera..." I_icon_minitimeMer 18 Avr - 17:31

Trou béant couvrant toute la tempe secouée de spasmes. Obscure, inconnue, on dirait l'anus de Dieu. Là d'où sort le génie : l’apothéose finale, le grand bouquet final, pour retrouver le silence, l'apaisement du mouvement, une fin de monde cent fois rêvée, une dernière explosion rouge sang avant de laisser la place à l'univers immense. Le trou allait de la tempe jusqu'à l'iris, de l'iris jusqu'à la langue, et poursuivait sa connaissance de l'humain pour mieux le happer au moment de le frapper d'un coup sec. Il goutait à l'homme, et frémissait déjà de terreur, même s'il se sentait prêt à partir, à exploser, à tuer n'importe qui, il frémissait de sentir l'humanité. Il fallait réduire l'homme, réduire son angoisse qui le faisait frémir. Ses frères et sœurs, jumeaux dans l'acte, n'auraient jamais la même efficacité, ni la même classe pour éteindre la scène et allumer, de nouveau, les lumières de la salle. Yeux douloureux sous la couleur, pensée réveillée, et la tête dans l'âme. Il se rappelait d'une voix, lointaine, entre les brumes de ses veines, sortant pour résonner les longs des ruisseaux de sang, résonner comme un appel à la prière - lui, prier, et cracher dans le bénitier, pisser sur la croix et chier dans le linceul. L’Eucharistie selon Artaud. Communion quotidienne pour des milliers comme lui, pleins de crasse, de douleurs et de souvenirs, et encore plus remplis de pleurs, si remplis qu'on se pointe la tempe avec l'anus de Dieu. Ascension. Au plus près de la Vierge Marie, souriante même sous les bombes en forme d'horloges, souriante depuis des siècles, aussi belle que Maman, que Marie, la gamine du préau, que Josiane l'adolescente peu farouche qui sortait de l'été en riant d'être devenue femme, du foin dans les cheveux. Tout ce monde remplis de pleurs, depuis des siècles, avec des cris qui résonnent dans les fleuves rouges et qui font frissonner l'esprit pragmatique. La tempe, caressant la folie, entend ce lointain cri remonter en crissant le long du bras, qui se met à trembler, si bien qu'on prend l'outil de mort à deux mains, et on le pose sous le menton, endroit sûr, on appuie pour ne plus trembler sous la résonance du tocsin en crépuscule.



- Tu vis ou tu rêves...?



La voix vient d'ailleurs, elle vient de lui. Homme paradoxal, homme perdu dans une rue, entre une vie et la mort. Ne plus donner la mort et ne plus croire en la vie. Homme paradoxal, à la pensée anarchique et aux ordres raisonnés mille et mille fois, soupesés et délicatement croqués comme des fruits qu'on croit mûrs. Lui, il entendait des voix quand la rue s'est éteinte avec le reste. Tout a foutu le camp, on reste là, sans père et mère, sans amis ni confort. Retour à l'état animal, dans le siècle d'avenir, le siècle futur, celui de tous les espoirs - espace, santé, esprit, culture. Retour à l'état animal ; rousseau apocalypse. Homme paradoxal jusqu'au bout de la tempe, qui tient à voir mais ne voit que le trou du tromblon noir en alexandrins bordeaux. Partition en carmin mineur, bondissante à qui mieux mieux sous la baguette du chef d'orchestre - orchestre vide. Il joue du piano aérien, mais le piano s'envole en laissant une trainée de rêves en fumerolles formant des écrans et lui repassant les images de sa vie. La vraie, la seule, celle d'avant. La résonance se poursuit donc jusqu'au dehors, l'espace rempli d'air, de sons et enfin d'hommes - devant ses yeux. Le piano joue seul et s'enfuit, ses pieds s'arquent pour grimper les longs des murs, en notes d'archets torturés, notes de métros freinant, d'autoroutes bondées, et de femmes perdant leur enfant. L’orchestre se remplit auprès de la scène, et engage un nouvel acte de la tragédie de l'homme.





- Entends-tu ? Entends-tu là, sur le toit, couler en vase gluante le chant des morts ? On ne joue pas seulement une pièce, on rejoue les années, les humeurs, les visages, les éclats de voix, de scène, de vie qui nous ont précédés. Entends-tu ceux qu'on appelle "ancêtres", et qui sont encore là, qui chantent pour nous, pauvres perdus solitaires comme ils le furent ?



Oui, aucune attention prêtée à l'humain présent devant ses yeux. Impossible d'y prêter attention : elle mourra bientôt. Dans un instant ou dans quelques années. Elle mourra, et chantera ; elle accompagnera le chœur et personne n'entendra plus sa voix seule raconter son histoire. Perdu aux limbes, l'humain sera relégué dans sa fonction première. Apprendre et chanter pour la génération à venir, pour le prochain spectacle. Ainsi, cet humain qu'on appelait Eliakim Platoon avait pris la direction d'une troupe d'enfants de chœur en devenir, des enfants méchants, mais qui rêvent encore devant un nuage. Son chant à lui, une sorte de solo, un monologue de valet, en didascalies avec la Mort sur la tempe. Restait à savoir quand le rideau tombera pour lui. Dans son monologue, la voix revenait en sons tonitruants, comme un refrain enfantin, qui joue à la marelle "tu vis tu vis tu vis tu vis tu vis ouuuuuuu tu rêves-ê-ê-ê-ê-ê-tu viiiiiis ?". Les mots étaient lancés en cheveux noirs, sourire d'ange, et yeux d'espace. Dans ces écrans, l'image frappait sans relâche et sans vergogne, l'image toujours, incrustée dans la rétine dans son esprit, collée à lui. Impossible qu'elle s'en aille, qu'il la chasse - elle resterait à jamais, elle resterait en lui, et ne s'en irait que pour mieux revenir, en fumées terribles gorgées de couleurs, envahissant le nez et en déversant son fiel dans son cerveau en sueur.




- Mardi soir, Ce Soir ou Jamais. Les enfants seront chez la nounou. Tu viendras ? Tu viendras, dis ? Ils veulent que je parle du bouquin, mais je...Ils le veulent. Tu viendras ?





Il perdait pied. Il se sentait partir, envahi par l'image. L'humain en face de lui disparaissait pour renaître sous d'autres traits. Plus proches, plus humains. Homme paradoxal. Il se noyait, il le savait, il nageait vers le fond. Douleur, et soif de douleur. En finir, peut-être, ou juste goûter à l'égarement le plus dangereux. Cette fois, il ne pourrait pas en revenir, il le sentait. C'était trop loin, trop proche de lui, et la tempe lui chatouillait tous ses soleils. Tremblements, tremblements incessants, frénétiques, et éclats de rire se mêlant en éclats de pleurs. Trop de maquillage, la vérité enfouie sous le fard, la voix bouchée par trop de couleurs. La résonance lui emplissait tout le corps, elle était en train de gagner la partie du combat quotidien. Il lâchait prise, il lâchait tout et se laisser couler au fond de ses gouffres, il se laissait couler au fond, la dernière pensée sensée comme une pierre bâillonnée. Le caillou ne parlerait plus, et puis Dieu lisait le journal du jour, assis sur tous les autels du monde, en sirotant pour les hommes la dernière cigarette en cocktails de ceux qu'il condamnait à l'errance perpétuelle. Bientôt, dans une poussée du bas-ventre, visible par un chantonnement de nuages traversés d'éclairs, la tempe se verra déluge sans refuge. Il perdait pied, et son doigt heurta la gâchette, la pressa, au moment où le piano explosa en plein ciel, dans une profusion de couleurs qu'il n'avait jusque là jamais vues. L'humain revint un bref instant à lui, vif, et tous les visages rencontrés se marièrent pour former une difformité qui occupait tout l'espace de son œil. Voulant hurler de frayeur, il éclata d'un rire d'où perçait la joie d'être en vie.


Le coup de feu partit sans prévenir, dans un éclair explosant en éclats de voix.
Revenir en haut Aller en bas
Abby-Gabrielle Mac Olga
Fille Cachée d'Obama
Abby-Gabrielle Mac Olga


Messages : 4
Date d'inscription : 08/06/2011

Feuille de personnage
XP: 90

"Que Sera Sera..." Empty
MessageSujet: Re: "Que Sera Sera..."   "Que Sera Sera..." I_icon_minitimeSam 21 Avr - 9:02

Le vieux allait partir en sucette. Elle le savait, le pressentait déjà en le regardant parler à la jeune fille. Elle voyait, de sa cachette - une simple porte cochère, perpendiculaire à l'avenue où se trouvait le dingo et la jeune femme -, elle voyait le leader des Night Wolves partir avec son sourire de taré et ses yeux en sueur, prêt à partir, à les laisser tous là, orphelins d'un monde orphelin. Crispant une main sur le fourreau de son katana, elle se résignait d'attendre, planquée et silencieuse comme tous les éclaireurs, sous peine de voir son espérance de vie réduite considérablement, au plus proche de zéro. Elle savait que le vieux fou n'était pas venu tout seul, mais encore une fois, il avait sûrement voulu en imposer, montrer l'étendue de sa folie à ses hommes. Une manière de se faire respecter dans l'asile de Montmartre, et qui donnait d'excellents résultats : personne sinon lui ne bougeait, mouftait ou tentait de remuer une seule lèvre. Comme devant un spectacle, tous les hommes regardaient Platoon avec un air interdit, la bouche bée. Même si de là où elle était, elle n'entendait rien, rien que le jeu de son corps désarticulé, la vision de son visage torturé au possible, éreinté sous la souffrance volontaire...le jeu de la folie, pour faire simple. Mais un jeu dangereux, Platoon n'était pas du genre à jouer complètement...il avait de bonnes bases, puisqu'il était son propre rôle. Elle le savait, elle qui le contemplait plus que quiconque chez les Night Wolves. Elle le savait, elle le pressentait, et bouillait intérieurement d'angoisse sur ce qu'il allait advenir dans cette avenue.


Quand le vieux sortit son flingue, elle bondit d'effroi. Il était sérieux. Ils ne savaient pas si cette femme était de l'Imperator ou juste une survivante, et voilà que le vieux fou se mettait en joue devant elle. Impossible de savoir ce qui lui passait par l'esprit - peut-être ne valait-il mieux pas savoir. Abby sortit de sa cachette, aussi silencieuse que possible, et s'approcha de l'avenue. Il faudrait, à un moment, quelqu'un pour arrêter Platoon. Et si personne n'avait déjà réagi, personne ne réagirait quand le chef de la meute portera son geste jusqu'au bout. De nouveau cachée, elle regarda les alentours de l'avenue...elle vit des visages discrets aux fenêtres du bâtiment en face d'elle. Évidemment, Eliakim était peut-être cinglé mais pas dépourvu de bon sens. Si ça tournait mal, les autres seraient là pour ouvrir le feu sans pitié. Mais lui, que fera-t-il ?

En approchant un peu des deux personnes, elle entendait Platoon hurler. Il allait vraiment trop loin. Elle le regardait, complètement interloquée, l'arme sur la tempe et riant et hurlant...et l'autre en face restait impassible. Scène irréelle, on se serait cru au théâtre, sur un plateau de cinéma, devant deux acteurs qui connaissent les répliques de l'autre et attendent le moment où placer les leurs, impassibles, froids comme des tragédiens. Puis, elle vit Platoon approcher son doigt de la gâchette, et elle sortit sur l'avenue à toute vitesse, n'ayant dès lors que faire des protections, de son espérance de vie réduite et de l'autre personne. Le vieux allait le faire, elle le savait ! Le con ! Le con ! Saisissant son fourreau, elle frappa comme si elle tenait une lance, de manière à frapper la main qui tenait l'arme.


Elle avait touché, elle en était sûre, mais elle avait fermé les yeux en hurlant, les yeux fermés refusant de faire sortir des larmes ahuries.



- ESPÈCE DE CRÉTIIIIIIN !!!
Revenir en haut Aller en bas
Eliakim Platoon
Shakespeare in Love
Eliakim Platoon


Messages : 14
Date d'inscription : 08/06/2011

Feuille de personnage
XP: 360

"Que Sera Sera..." Empty
MessageSujet: Re: "Que Sera Sera..."   "Que Sera Sera..." I_icon_minitimeSam 21 Avr - 9:44

Le coup de feu était parti, mais il sentait une douleur fulgurante à sa main. Se reprenant, il vit l'arme serrée dans sa main, pointée vers un mur devant lui. Près de sa main, l'épée de l'arme fétiche d'Abby était dans un fourreau qui frôlait ses deux épaules, pour frapper la main. La petite est intervenue...décidément. Il regarda successivement les deux femmes, l'une toujours aussi distante, et l'autre en fureur, furie crispant les lèvres et le regardant avec un air où se mêlait la colère, l’inquiétude et surtout la peur, une peur immense qui la faisait trembler. Doucement, en souriant, il rangea l'arme et passe une main sur la joue d'Abby. Puis, il siffla. Fin de l'amusement, plus de répliques à donner ni de comédiens sur scène. Même pas de rappel, visiblement le public n'a pas apprécié, et la critique de demain sera des plus incisives, à n'en pas douter. Retour dans les coulisses, retour au réel, et attention les yeux...vous qui demandiez de la beauté, vous qui rêviez des formes de la comédienne coqueluche de tout Paris, la voilà dévoilée, sèche et la peau diaphane. Moins appétissante, quand elle ne frôle pas la mort. Les coulisses...Platoon soupira, et se retourna pour parler à ses hommes qui descendaient l'un après l'autre des bâtiments, tenant fermement leurs armes. Bientôt les vingt âmes qui l'accompagnaient se tenaient toutes derrière lui, rejointes par les dix d'Abby, qui semblait se calmer.


Il rêva quelques instants, s'attarda sur des nuages qui passaient toujours, en migration vers le ciel infini. Il posa son regard sur les bâtiments, et vit des voitures passer, des passants tranquilles aborder les berges du parc Monceau. Lui-même s'était rendu, il y a quelques siècles, dans son autre vie, mais la raison lui échappait, désormais. Il voulait bien revenir dans son état précédent, mais il ne pouvait se le permettre. De loin, les hommes craignaient sa silhouette agitée, mais de près, on pourrait lire dans son regard ses regrets et ses remords de son ancienne vie. C'était la règle chez les Night Wolves, surtout quand tout le monde misait sur vous. Ne rien dire, ne rien laisser paraître, ou trop en laisser aller pour noyer le poisson avec le loup. Et éclater de rire à la vue des conséquences, non sans en suer, car comme à chaque fois, c'était pas passé loin.


Il s'avança cette fois comme un cadre qui se rendait à son travail. Droit, haut, fier, il s'approcha de l'inconnue et lui prit le menton entre deux doigts, pour plonger son regard dans le sien. Aucune séduction là dedans, il s'agissait plutôt de voir quelle lecture donnerait celle de ses iris et ses pupilles. Douleurs, évidemment ; perte du sens, au bord de l’œil ; force, force mentale, air résolu se cachant sous la façade du visage. Il sourit, tourna autour d'elle en chantonnant un air de Vivaldi, tandis que ses hommes attendaient, droits comme des piquets, et qu'Abby le regardait avec cet air habituel de méfiance teintée de curiosité.




- Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle!
Tu te fondais à lui comme une neige au feu :
Tes grandes visions étranglaient ta parole
- Et l'Infini terrible effara ton œil bleu!



Récitant le quatrain d'un air enjoué, Platoon tournait toujours autour de la demoiselle. Il la contemplait, tentait de repérer des indices qui la sauverait de ce qu'il prévoyait pour elle. Elle avait plutôt bien supporté ses répliques, sans doute une fille qui en avait vu d'autres, et potentiellement bonne à prendre chez les Night Wolves.


- Nous restons chez Shakeshake, n'est-ce pas ? Ainsi donc, nous avons un esprit charmé par le théâtre anglais...Messieurs, veuillez montrer à cette charmante demoiselle que vous savez vos répliques, vous aussi...pressons.


Il se détourna d'elle puis laissa deux de ses hommes la saisir par le bras - après s'être assurés qu'elle ne portait pas d'armes -, et l'emmener dans le hall d'un immeuble encore intact. Il suivit, avec Abby, et les autres loups. Ils s'enfoncèrent un peu dans la bâtiment, et trouvèrent finalement une cour intérieure où des poubelles étalées s'étaient échouées pour régaler des chats qui s'enfuirent en les voyant arriver. Les deux hommes jetèrent la fille dans les sacs poubelles et les détritus, et sortirent deux matraques. Platoon s'assit sur le rebord d'une fenêtre du rez-de-chaussée, alluma une cigarette. Il fallait procéder de manière classique, mais plutôt désagréable...Abby dirigerait, après tout, c'était elle qui récupérait les informations. Elle le regarda fixement, attendant qu'il fasse un geste. Relâchant une bouffée, il leva la tête et vit le nuage de tabac rejoindre les grands nuages, magnifiques, cotonneux au possible. Il soupira, puis prit la parole, devant son groupe aux aguets.


- Avant toute chose, ma chère, permettez-moi qu'on se présente. Nous sommes les Night Wolves, résidents de la Basilique du Sacré-cœur, et en guerre contre l'Imperator et l'Agora. Si ces noms ne vous disent rien...c'est normal, vous mentez. Après...quelques arguments persuasifs, on s'assurera de quel côté vous êtes. Je suis Eliakim Platoon. S'il s'avère que vous mourrez pendant notre petite discussion, dites à ce que vous croiserez que le Roi Anarchie pavera ce monde de corps déchiquetés par ses croc. Il en fera l'anti-chambre de l'enfer.


Toujours poser une ambiance avant de commencer le travail. Ça ajoutait au spectacle, et on se prenait dès lors au sérieux. Il sourit, reprit le mégot entre ses lèvres, et adressa un signe de tête à Abby, qui fit le même geste aux deux armoires à glace qui tenait la demoiselle. Ils la relevèrent, et l'un deux la frappa directement au ventre. En guise d'introduction, c'était ce qu'il fallait. Platoon se leva, toujours en chantonnant, et se plaça devant la demoiselle, dont le second homme relevait la tête par les cheveux.
Platoon plongea de nouveau son regard dans le sien, l'air sérieux mais aussi pris de pitié par la figure de la jeune fille. Bien qu'il soit en guerre, il n'aimait guère ces pratiques. Trente contre un, trente contre une jeune fille...même s'il aimait ce nouveau monde, l'impression de passer pour un salopard n'avait pour lui rien de jouissif. Il laissait ça à Donovan ou ce bellâtre de Valcourt. Cependant, il n'avait pas d'autre choix...il afficha tout de même son sourire carnassier, mais ses yeux restaient humains, tranquilles, sans gouttes de sueur, cette fois. Il tira sur sa cigarette...le tabac apaiserait ses remords.


- Nom, prénom, activités ancienne et actuelle, projets, personnes rencontrées, inventaire. Dis-nous tout, ma jolie.

Revenir en haut Aller en bas
Louise Delombes
Bonne Soeur
Louise Delombes


Messages : 10
Date d'inscription : 12/12/2011
Localisation : Marchant entre les ruines - plus de précision est inutile.

Feuille de personnage
XP: 97

"Que Sera Sera..." Empty
MessageSujet: Re: "Que Sera Sera..."   "Que Sera Sera..." I_icon_minitimeSam 27 Juil - 10:06

Le coup de feu craquela toute la scène avironnante. « Nice shot » disait-on dans les films, pour se remettre dans l’ambiance, juger, jauger, avoir l’air de prendre part en écart d’appréciation. L’impression qui s’évanouit en expression. Silence, si ce n’est celui du regard de la furie tout juste débarquée en ces lieux. Plus de spectacle, plus d’amusement, plus de délire à arranger la vie, plus rien pour la tordre, la déchirer pour tout en tirer… plus rien – la fin du monde… jusqu’à ce que tout s’arrange, reprendre en main les coulisses. Là où la scène est la moins apparente – et pourtant la plus présente, plus rien de concerté. Se mettre en scène à perpétuité ; jouer du regard, exploser en mots qui filent les perles d’un destin en vrille et autres néants.
Et voilà une mort, juste une, logée en pleine absence. Le monde se remet à tourner. Ou pour le moins le leur – et elle, elle devrait… ou doit… en fait n’aura pas d’autre choix que de se laisser porter. Plus de grandiloquence non plus, ou les restes du sien, de monde, ne tiendront plus qu’à un fil – épée de Damoclès pendue à quelques présences. Comme quoi les rues n’étaient-elles, peut-être, à la longue, pas de si mauvaise compagnie que cela.
Une miette de geste attentionné pour la gamine (Quoi ? des proches ? Non, avec lui, ce devait être autre chose… Bonne apparence ? Apparence d’apparat ?) et un sifflement aux toutous de services - qui se rapatrient auprès du maître, bien sagement, la gueule mangée de crocs. Elle n’en demandait pas tant ; trop de monde d’un coup, vraiment, cela vaut une balle condescendant à soulager le crâne… A se demander ce qui était finalement le plus surprenant – et enviable - entre la galère précédente, et celle visiblement promise.
Et pour elle ? Qu’allait-il lui accorder maintenant ? Lui ? Pas lui ? L’autre de l’autre des autres pour aggraver le tout ? Toujours est-il que c’est lui le chef, celui autour duquel tout tourne, celui auxquels s’agrippent les regards et les attentes ; que ces gens lui soient dévoués, c’est une autre histoire, voire un mystère. Soudain sérieux, on verrait presque des boutons de manchettes s’ajuster, en lieu et place de ces manches s’étant frottées au monde entier. Métamorphose, sincérité entre deux eaux, entre deux yeux, peut-être. Il lui prit le menton ; pour elle, c’était tout comme être prise pour une enfant gaffeuse, dédaignée au possible, évaluée, une donnée en apparat de chair humaine. Pantin, déjà, ou encore ; mais on ne lui avait jamais bien laissé voir ses fils, jamais – elle devait les inventer pour les tordre, espérer trouver les bons en brisant tout. Tout tout tout ! N’avoir plus rien que le vide ! Non, attends, attends… il manque les autres. Y croire encore ? Attendre et voir ce que donne le monde… Tâche ô combien passionnante et irrésistible, laissons là les fils ; non, tout mêler, l’imbriglio, la pelote du chat lunaire.
Louise pince les lèvres ; il inquisitionne, a pris son tour de voir « quelque chose ». Il n’est plus drôle, non, vraiment pas - pas lui tout seul ; il faut le tourbillon des tours qu’il emporte, ses yeux pleurant des univers qui s’entretuent au creux des pupilles.

- Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle!
Tu te fondais à lui comme une neige au feu :
Tes grandes visions étranglaient ta parole
- Et l'Infini terrible effara ton œil bleu!


Son visage se durcit, pris d’une soudaine animosité de pacotille sans le vouloir ; rire, sourire, pincer les lèvres, jeter un œil se voulant de vague à l’âme ou d’indifférence ? Mais surtout ne rien dire, gémir du plus lourd silence, ne pas laisser passer le moindre éclat – chape de plomb, masque d’absence pour être encore à soi, lui échapper encore un peu. Mais tout voir, tout, par pitié… Le cœur palpitant d’une curiosité dévorante, jamais satisfait des longs jeux du monde, ne reste qu’à y plonger et s’en étourdir.
Pas sa faute s’il piquait juste – ce qui était malheureusement pour elle le plus grand des maux. Qu’il se taise, qu’il se taise donc ! Elle n’avait jamais eu à se plaindre de l’Infini… Pire, elle l’attendait, criait après lui à s’en fracasser le crâne ; elle l’attendait, et il fallait qu’il soit le plus terrible possible ; il fallait qu’il l’éblouisse, qu’elle puisse s’oublier noyée de délire – allez ! qu’il vienne à la fin ! Trop vu, trop, beaucoup trop – tout laisser couler, s’effacer, tous ces mauvais rêves d’un cœur qui ne devrait plus servir à rien… Faudra pourtant choisir, couper le fil ou le rafistoler. On sombre ou on fait semblant. Et la fascination qui égare tout, les paupières qui se ferment rien qu’un instant, sans le vouloir, instinct ; et choyer les déluges qui lui martèlent les tempes, comme des trésors – tellement magnifiques, tellement plus alléchants que l’horreur du censément « vrai et réel à n’en pas démordre » qu’ils déforment. Mais qu’il se taise ! ne pas lui rappeler qu’elle ne veut plus de ce monde qui s’effondre sur lui-même… Pah ! Misère ici, misère là, misère de misère… on s’ennuie… on ne veut plus vivre… Quelle idée ! Stupide ! « Tout ça c’est dans la tête. » Allez, allez, sois gentille… si t’en veux encore... Mourir, dommage ; vivre, faut voir. Alors vis pour mourir, la vie crachant toutes les visions qu’elle a dans le ventre – écrase-la !


- Nous restons chez Shakeshake, n'est-ce pas ? Ainsi donc, nous avons un esprit charmé par le théâtre anglais...Messieurs, veuillez montrer à cette charmante demoiselle que vous savez vos répliques, vous aussi...pressons.

Pas mal son animation. Faudra lui dire de garder le numéro dans un coin. On ne sait jamais, y’a peut-être encore des gens qui s’ennuient par les temps qui courent. Ah, aussi, c’est au tour des armoires à glace d’entrer en scène – ne pas oublier les figurants… Fouille au corps, pourquoi pas, les seules choses qu’elle ait à cacher se trouvent aux tréfonds d’une conscience en péril – ça tente quelqu’un comme aventure ? Hum, pas pour eux, ils n’ont pas poussé jusqu’au décolleté. La boîte à musique est sauve, mais risque d’y rester – à voir si ça tourne au vinaigre ou version améliorée. La confier à quelqu’un ? Bah, pas plus engageant les uns que les autres, pas l’air à ça non plus. Attendre, alors. La poisse.
Et on continue tout en délicatesse... Louise fait l’enfant sage, se morfond un brin – rien à songer, se laisser mener étant une piètre occupation. Tout défile et la voilà flanquée sans façons au beau milieu de monçons de sacs poubelles datant d’il y a loin, de ces jours où l’horreur faisait encore semblant de jouer à cache-cache avec certains. Heureusement que la dignité n’était plus qu’un mot. Matraques – pas bon ça… Redoutable sans trop en faire. Clairement, elle aura au moins droit au passage à tabac ; l’autre jette un regard à la furie de service qui attendait sa consigne, s’installe, prend ses aises et entre en palabre, pour faire impression, quelque chose dans le genre. L’ennui qui reprend, s’insinue et mord vivement.

- Avant toute chose, ma chère, permettez-moi qu'on se présente. Nous sommes les Night Wolves, résidents de la Basilique du Sacré-cœur, et en guerre contre l'Imperator et l'Agora. Si ces noms ne vous disent rien...c'est normal, vous mentez. Après...quelques arguments persuasifs, on s'assurera de quel côté vous êtes. Je suis Eliakim Platoon. S'il s'avère que vous mourrez pendant notre petite discussion, dites à ce que vous croiserez que le Roi Anarchie pavera ce monde de corps déchiquetés par ses crocs. Il en fera l'anti-chambre de l'enfer.

Surtout, ne pas rire. Mais présentation dans les règles, agréables sans trop en faire, beau rôle et presque un sourire en coin, intimidant en jouant à frôler la détente d’une menace ; menace quelle que soit l’histoire. Pour ou Contre ou Rien, c’était du pareil au même. Quant à l’anti-chambre de l’enfer il était bien prétentieux. Mais allez, il fallait bien impressionner le public, même s’il n’était pas bien nombreux – jouer un nouveau tour, un nouveau piège à mille trappes remplies de gueules affamées. Jouant jusqu’à quel point d’ailleurs… Les noms s’enfilent comme des perles, glissent et s’enfoncent dans de vagues images malmenant les sourires carnassiers sur fond noirâtre ; un souffle d’avidité, l’éclat du possible à perte, des rouages hurlant d’espoir mort-né, un peu de sanguine pour parachever. Rien de bien différent du reste, tout compte fait. Souffle en absence, éclats d’irréel en pleine mirettes, tout s’éparpille en trébuchant des rires fêlés ; un coup pour elle, histoire de bien lui faire comprendre que c’était du sérieux – se mordre les joues pour ne pas grimacer de douleur. Le Platoon apparaît en mille morceaux, déchiré de nuages morfondus, un air aux lèvres et l’air bizarre, figure de l’impensable en marche.

- Nom, prénom, activités ancienne et actuelle, projets, personnes rencontrées, inventaire. Dis-nous tout, ma jolie.

Elle hausse un sourcil ; apparemment, on éclaircira les problèmes de faction plus tard – approfondir, creuser, décortiquer… tout plein de mots peut-être un peu plus appropriés pour ce qui rôde, la bête de peur à faire trembler et rendre bien bien gentilles les brebis égarées - ou le moindre faux louloup. Pour l’instant pas très fonctionnel comme tactique. Ah, évidemment, la torture elle-même ce serait autre chose, de guère souhaitable bien sûr ; l’instinct est bête et les bourreaux affûtés. Mais là, cernée d’un nombre non négligeables d’assassins en puissance, sa mort n’est que leur option – inutile de gémir si on ne vous laisse pas la parole sur ce genre de chapitres.

- Louise Delombes, anciennement étudiante en médecine… entama-t-elle d’un ton monotone sans quitter Platoon des yeux ; activité pour le moment en suspens donc, si ce n’est quant à une pratique d’ordre personnel. Projets se limitant à vivre, trouver quelques tableaux, ne pas trop oublier, voire dénicher une aide potable dans la perspective d’un soutien mutuel quotidien. Personnes rencontrées… Des morts le plus couramment, quelques fous, un groupe de cinq personnes décimées selon le hasard des rencontres, d’autres peu amènes en général, des chats, mon ombre. Quant à l’inventaire, j’avais cru que vous aviez déjà fait le tour du propriétaire

Elle baissa les yeux, fit la moue, revint à Platoon, le jaugea d’un air méfiant et sévère. Pas dans son rôle, mais elle répugnait à leur donner. Mais ce n’était que quelques rouages, une babiole. Mais de précieux rouages, des bribes sur fond décousu, aquarelles de souvenirs emmêlant mille autres fils et airs à lui. Des lambeaux. Mais ils l’écraseraient… Mais ce n’était plus rien. Tout. Pas son choix. Il fallait bien finir l’exposé…

- Une boîte à musique. Si ça vous intéresse. Fin de la récitation messieurs dames… ! Le fou du roi joue au roi des fous… diable de marionnettiste… Grand jour ! Fêtons l’abîme en quête d’errance… ! Fêtons l’abîme à bout de souffle !















[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Revenir en haut Aller en bas
Eliakim Platoon
Shakespeare in Love
Eliakim Platoon


Messages : 14
Date d'inscription : 08/06/2011

Feuille de personnage
XP: 360

"Que Sera Sera..." Empty
MessageSujet: Re: "Que Sera Sera..."   "Que Sera Sera..." I_icon_minitimeSam 27 Juil - 12:50

Plein phare sur la bouche qui articule. Projecteurs sur la scène où la comédienne lance ses répliques à la volée, dans un jeu qui n'aurait rien d'amusant si elle savait à quoi les souffleurs soufflent leur ennui. La gamine parle d'insouciance, malgré tout, malgré surtout ce ton d'où percent les douleurs du sang qui remue encore les veines en souffrance, qui alimente les tripes en rage, le cerveau en peurs, et la raison en monstruosité. La tonalité est bien connue depuis la Fin des Temps ; intrusion dévastatrice dans les regards et toutes les bouches tordues pendues à la potence du présent. Désespoir et instinct de survie, le "pourquoi moi ?" d'obsession, les malédictions jetées à tous les dieux connus, puis pour finir l'immense silence de l'absence des déserts de débris. Cette note de fin n'avait rien de réjouissant, alors Platoon redoubla de rire en déraison en écoutant la jeune fille étaler son matricule. Elle le fixait, comme personne n'osait plus le fixer, par peur d'être contaminé, de trop voir l'immonde vérité, l'impossible exactitude de la bête exposée à la face des cieux irradiés hurlant à la fraîcheur du soir l'impressionnante douleur du monde détruit. Elle le fixait en parlant, sans se soucier des autres, des coups reçus, de la petite Abby qui la fixait elle aussi dangereusement, prête à dégainer en cas de coup de foudre motivé par une mission suicidaire. Mais elle continuait à le fixer, à vouloir s'empoisonner de le découvrir, sentir le venin cérébral couler dans chaque interstice du cerveau, empuantir les hémisphères et balancer du nucléaire sur chaque neurone. Rendre un désert de débris, laisser l'instinct de survie en funambule sur le grand canyon d'Eliakim Platoon, un jour de grand vent entre les lobes.

De son discours, il ne retint que ce regard tenu. Ce qu'elle disait serait pour la foule en bas, la masse qui attendait la conclusion sanglante du duel entre le Loup et la Fille en Fuite. Elle fuguait le monde ou elle fuguait ce qu'elle avait laissé derrière son errance. A en juger par son insouciance, elle se fuyait elle-même, elle était le monde et déclarait forfait, encore debout sur le champ de bataille cependant, à attendre en chantonnant une balle perdue. Bien perdue fut la balle qui la heurta, en effet. Rien de pire qu'un éclair de Platoon pour traverse la tête de part en part. Canal de navigation forcé à travers les cellules grises, larguez les amarres et que vogue la galère...


La voilà qui prenait l'air pincé. Réaction habituelle quand on vous piquait vos jouets. Souvenirs, plaisir, amusement, de la joie peut-être, lors d'un moment fugace maintenant enterré sous la tonne de bombes mêlée au cadavre de l'inhumain. Platoon ne la quittait pas des yeux, savourait cet air de mécontentement. Les baffes et l'intimidation n'ont de l'influence que sur les peureux, les couards et les faibles, ceux qui refusent toute douleur pour leurs corps martyrisés. La violence de Donovan ne fonctionnait qu'avec les rats d’égouts et les dindons douillets qui craignent plutôt pour leur confort que pour leur vie. Et dans cet amas de fumistes héroïques survivants à cause du hasard, y'avait autant de monde à grouiller dans les égouts que dans les poulaillers. La gamine n'était pas de cette trempe. Elle avait dû traverser les mêmes épreuves que la plupart ici : morts inconnues, morts de proches, saletés en tous genres, folie, déraison, véhicules furieux, retour à l'âge de pierre, l'âge de sang, le feu, les prédateurs, la nuit et la mort qu'on honore comme une divinité. Infini, Jésus, Dieu, Allah et toutes les conneries des mystiques en manque de vitalité, tout ça pour continuer de faire battre la chamade au grand malade du point central, comprimé entre les bombes et l'avenir. L'infini et les livres de messe ne valaient désormais plus rien, n'en déplaise à Valcourt, le confort avait disparu avec les souvenirs et la famille. La guerre de chacun contre soi avait commencé au fond des consciences, et ils allaient tous à leurs rythmes, c'est-à-dire dans le déni et l'absurde.

Elle, elle avait compris. De ce qui se jouait en ce moment même sur le sol martelé par les guerres, elle l'avait compris, et ça excitait le pauvre Platoon, qui la regardait de plus en plus rigolard, obnubilé par la bouche sous projecteur qui lançait certaines de ses pensées les plus affolantes. Fêtons l'abîme, fêtons l'anarchie dans le grand bal des sacrifiés ! Nous sommes les derniers descendants, la race humaine ultime, l'élite des nations endeuillées ! Nous sommes les survivants, le nouveau monde à naître sur le cimetière de nos erreurs et nos stupidités ! L'anarchie prendra le monde comme une mère son enfant, et il ira ensuite se libérer de tous ses jougs pour exister en zoom sur le soleil, l'instant présent, la joie de se sentir encore en vie, alors que nous sommes entourés par les macchabées qui nous observent, hagards, entre les pierres, la terre et les plaques des rues défoncées. Nous sommes la race ultime, le contrat social moderne ! Nous contemplons de près notre mort et notre destruction, nous les fréquentons et nous trinquons avec elles, jusqu'au moment de rendre l'âme et de ne plus rien ressentir, de tout revoir avant la dernière note, et enfin rendre l'âme en larmes et conscience, le sourire aux lèvres, ravis d'avoir accompli ce qui devait être fait. Nous sommes les derniers de la race humaine ! Nos enfants mourront à vingt ans des radiations, seront déformés, débiles et meurtriers. Nous donnerons naissance à de vrais sauvages, des prédateurs du métal, des cavernes électriques, chasseurs de circuits électroniques, pirates informatiques comme d'autres étaient auparavant braconniers ! Nos enfants nous maudiront d'abord, ils nous haïront, puis se détesteront avant de s'étriper comme on le fait les uns contre les autres. Pourquoi est-ce comme cela ? Regarde, gamine, regarde, cinq groupes contrôlent la capitale, et se refusent à toute alliance afin de garder le pouvoir. Même après la vacuité tombant sur la ville, rasant les trois quarts d'une population déjà ravagée par le système, même après les morts, les souvenirs disparus, l'homme veut encore jouer à l'homme, faire le grand, le beau et le puissant. L'homme veut le pouvoir, il veut la puissance, il veut être le plus puissant. Ironie du spectacle quand celui qui mène la bande est le moins intéressé, le plus atteint par ce qu'il a toujours défendu, et le moins pris par le cirque du pouvoir. La folie confère la santé mentale, et cette fille ne demandait qu'à se faire soigner.



- Une boîte...à musique...Les gars, on a encore une musicienne. Faudrait voir avec Clarkissima si elle ne serait pas intéressée par une joueuse paresseuse.



Quelques rires, un ton qui rassure. Le vieux tient la barre du navire, z'inquiêtez surtout pas. Mais l'air de rien, le vieux cinglé a déjà décidé, et quelques uns l'ont bien compris, tandis que les autres rigolent ou reluquent. Jugement terminé, qu'elle soit espionne ou ignorante, dans tous les cas elle sera embarquée. Une espionne ne mettra pas longtemps avant de prêter allégeance aux Nigth Wolves. Morte ou vive. Une ignorante découvrira le monde de demain, et voudra peut-être s'enfuir. Idée pour prochain pari ; il miserait deux paquets et un rhum.

Maintenant les choses sérieuses allaient commencer. Platoon sortait rarement dans Paris avec du monde. Il préférait la discrétion imparable de sa moto noire fonçant sur les ruines. Non, il était sorti avec ses fidèles et Abby, le chien du troupeau, pour conclure l'alliance du moment. La pièce rapportée pourrait voir que le fou du roi ou le roi des fous ne l'était pas tout le temps, et surtout ne l'était pas complètement. Il avait conclu des accords juteux, et pas avec n'importe qui. Si les rumeurs disaient vrai, les Night Wolves pourraient bientôt retrouver leurs petits plaisirs de jadis. Il faudrait simplement la jouer fine. Il leva la main, le groupe fit silence et l'écouta d'un seul homme, le sourire en coin et l'oeil malicieux. Pendant ce temps, un homme blond apportait une moto, tenant deux fusils à pompe dans son dos.



- Messieurs, veuillez rendre ses possessions à la demoiselle...qui s'appelle...j'ai oublié son nom...Ah ! Docteur Barbarie ! Elle va nous jouer de l'orgue au Sacré Fleur. Doc, si vous voulez bien vous joindre au groupe, merci...


La prenant pour la main comme s'il allait danser le menuet avec elle, il fit un tour de manège, deux tours, devant les regards amusés de sa troupe. Il dépose sa gentille cavalière près du docteur assigné au groupe, afin qu'il soigne les coups reçus.


- Messieurs, mesdames, mademoiselle...Je crois que nous sommes juste à l'heure pour notre rendez-vous. Veuillez ranger vos armes, coiffez-vous, buvez un peu, fumez pour vous calmer, et surtout ne réagissez à aucune provocation. Je suppose que personne ici ne voudrait se retrouver avec des Illuminés aux fesses...Ecoutez bien ma seule et unique consigne : laissez les lasagnes au four, beurrez vos tartines, n'en mettez pas trop, et servez les chaudes ! Tout le monde a saisi ? En route. Rostropovic, tu passes devant avec ton pompe, et je suis sur la bécane. Abby, tu prends les deux flancs, et les autres, en file indienne de chaque côté de la rue. Docteur Barbarie, tu montes en selle avec moi.



Instant de flottement où tout le monde prend les ordres. Platoon démarre sa moto, et se retourne vers la jeune arrivée.


- Pressons, le Clochard Cosmique nous attend.
Revenir en haut Aller en bas
Louise Delombes
Bonne Soeur
Louise Delombes


Messages : 10
Date d'inscription : 12/12/2011
Localisation : Marchant entre les ruines - plus de précision est inutile.

Feuille de personnage
XP: 97

"Que Sera Sera..." Empty
MessageSujet: Re: "Que Sera Sera..."   "Que Sera Sera..." I_icon_minitimeLun 2 Sep - 19:42

Rire intenable qui vole ses mots au présent, les rend au lointain de la pacotille humaine ; rire écrasant qui repousse ses sens à rien de rien, si ce n’est voguer sur ses tons sans y voir de signe ; rire terrible, effarant, renversant… Irrésistible, à tout faire chavirer. Juste se laisser porter, juste laisser la sentence s’effiler, juste…

- Une boîte...à musique...Les gars, on a encore une musicienne. Faudrait voir avec Clarkissima si elle ne serait pas intéressée par une joueuse paresseuse.

Coup de grâce en pleine expectative. Toute la tension se dissout en fumerolles d’oubli, et ce aux quelques mots mâchés par Platoon à ses toutous, l’air de rien, presque nonchalant au milieu de tant de jouets fort mortels. Ton définitif, et on la renvoie à la possible autorité d’un autre patronyme. Les yeux de Louise s’écarquillent, entre incompréhension et jubilation. Sa faim se réveille tout soudain et il lui faut tout épier, tout, vraiment… – jusqu’au ciel trop bleu et trop connu. Ses iris se vautrent dans une gourmandise démente et insatiable, presque malsaine ; ne pas rater le moindre détail, la moindre pourriture est à graver dans les ruines de la mémoire ; les catacombes du souvenir doivent crouler sous l’horreur mangée à pleines dents. Peupler ce monde qui ne tourne pas rond d’enfers d’une beauté à saccager la raison. Voir encore, encore… ENCORE !
On la relâche et elle s’efforce de ne pas s’effondrer, de ne pas rouler à terre en hurlant d’une extase mêlée d’effroi ; merveille des merveilles d’être encore là… merveille des merveilles… - et prolongation du séjour chez les damnés, à ronger les mêmes bons vieux os qui vous usent les quenottes sans que vous en tiriez rien. Mais… non. Il faut tirer le jus du monde avant qu’il vous écrase ! se délecter des moindres fioritures de sang qui éclabousse tout, s’émerveiller du glas à l’âme ternie d’ennui, anéantir les détours d’une pensée qui s’égare, croquer des rêves fantômes grouillant de réalités…

- Messieurs, veuillez rendre ses possessions à la demoiselle...qui s'appelle...j'ai oublié son nom...Ah ! Docteur Barbarie ! Elle va nous jouer de l'orgue au Sacré Fleur. Doc, si vous voulez bien vous joindre au groupe, merci...


Elle ne comprend presque pas ce qui se passe sous ses yeux ou ce qu’on lui veut ; mais Platoon mène la danse et elle se laisse faire avec un sourire bizarre. Va pour Docteur Barbarie, va pour les Night Wolves, va pour l’interminable marche apocalyptique de l’humanité qui s’ignore - va pour la vie, va pour les songes d’un monde à la beauté fatale ! On s’occupe d’elle, et la voilà à fixer son soigneur avec curiosité, comme une bête étrange – tellement longtemps qu’elle n’avait pas réellement été en contact avec quelqu’un, tellement longtemps qu’elle n’avait pas eu droit à ce genre d’attention, tellement longtemps que… Néant. Aucune importance, tout passe et on saisit les instants. Aucune importance, vraiment, aucune…

- Messieurs, mesdames, mademoiselle...Je crois que nous sommes juste à l'heure pour notre rendez-vous. Veuillez ranger vos armes, coiffez-vous, buvez un peu, fumez pour vous calmer, et surtout ne réagissez à aucune provocation. Je suppose que personne ici ne voudrait se retrouver avec des Illuminés aux fesses...Ecoutez bien ma seule et unique consigne : laissez les lasagnes au four, beurrez vos tartines, n'en mettez pas trop, et servez les chaudes ! Tout le monde a saisi ? En route. Rostropovic, tu passes devant avec ton pompe, et je suis sur la bécane. Abby, tu prends les deux flancs, et les autres, en file indienne de chaque côté de la rue. Docteur Barbarie, tu montes en selle avec moi.

Bien le bonjour à la nouvelle scène qui s’étale ! (Joli tableau, mais drôle de perspective, et faudra retravailler les jeux de lumière.) Elle suit les ordres au pas des troupes – c’est le grand jour ! Entre deux eaux, vie au kaléidoscope. Platoon en ligne de mire, qui fait - avec éclat - sérieusement pencher la balance vers des mers troubles, dévoilées comme une sucrerie diaprée et défendue sans trop le dire. Elle s’assied, assiège les tentations et assagit le reste – soyons raisonnables, maintenant, c’est permis… Le Clochard Cosmique l’intrigue sans plus - ou pas plus que tout ce qui s’offre aux roues de la monture au Platoon. Tout défile, s’enfile, s’emmêle, se déchaîne… tout se magnifie en un flou impressionniste, qui gomme et adoucit en un flot terriblement suave. Et Louise rit, se gausse du monde qui n’attend personne. Abritée par Platoon, un sourire immense la dévore – un sourire qui se veut assez fou pour engloutir le monde à en mourir. Elle s’accroche à lui ; qu’importe la route, il lui en fera plus voir que n’importe qui d’autre, jonglant dangereusement avec des cartes qu’il fausse pour plaisanter ou faire semblant ; qu’importe le Tout, le Rien, les Grands Mots, les Erreurs, le Ciel, l’Envers et les Autres… car au bal tout le monde vient masqué et s’amuse à faire danser les consciences en les aveuglant de frou-frou en toc.






Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?
Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau !
(« Voyage », Les fleurs du mal, Baudelaire)













[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





"Que Sera Sera..." Empty
MessageSujet: Re: "Que Sera Sera..."   "Que Sera Sera..." I_icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 
"Que Sera Sera..."
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
 :: No man's land :: In the Streets :: XVIIème Arrondissement-
Sauter vers: